Peine de mort en RDC : Un recul démocratique et humanitaire - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 11/10/2025 07:10:15

Peine de mort en RDC : Un recul démocratique et humanitaire

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La condamnation à mort de Joseph Kabila par la Haute Cour militaire de Kinshasa, le 30 septembre 2025, a suscité l’indignation de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), qui y voit une « mascarade judiciaire » et une violation du droit à la vie. Ce verdict, prononcé à l’issue d’un procès expéditif et par contumace, marque un retour en arrière pour la République démocratique du Congo. Il ne s’agit pas seulement d’une affaire judiciaire, mais d’un symptôme alarmant de la dérive autoritaire d’un régime prêt à sacrifier les principes démocratiques et les droits humains sur l’autel de la raison d’État. Ce procès, dénoncé par l’Église, les ONG internationales et une partie de la société civile, révèle une justice instrumentalisée et une peine de mort utilisée comme arme politique.

En mars 2024, le gouvernement congolais a levé le moratoire sur la peine de mort, en vigueur depuis 2003, sous prétexte de lutter contre l’impunité et l’insécurité dans l’est du pays. Cette décision, prise par le Conseil des ministres et formalisée par une note circulaire du ministre de la Justice, a été immédiatement condamnée par la communauté internationale. L’Union européenne, Amnesty International, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que des figures comme le Prix Nobel Denis Mukwege, ont dénoncé un « pas en arrière » pour le pays et un « recul dans la protection du droit à la vie ». La levée du moratoire a été justifiée par la nécessité de « décourager les trahisons » au sein des forces armées, mais elle s’inscrit en réalité dans une logique de répression politique, comme le confirme la condamnation de Kabila, absent et non représenté lors de son procès.

La RDC se distingue ainsi des dynamiques régionales : alors que la majorité des pays d’Afrique subsaharienne avancent vers l’abolition, Kinshasa choisit de réactiver une peine cruelle, inhumaine et dégradante, interdite par les normes internationales. Pire, cette mesure a été adoptée sans débat public ni consultation, dans un contexte où plus de 800 condamnés à mort croupissent déjà dans les prisons congolaises, souvent après des procès entachés d’irrégularités.

Le procès de Joseph Kabila, jugé pour « trahison » et « complicité avec le M23 », a été mené à la hâte, sans garantie d’équité. Human Rights Watch (HRW) parle d’une « vendetta politique » et d’une « violation du droit à un procès équitable ». La Haute Cour militaire, souvent perçue comme un instrument du pouvoir, a rendu son verdict en l’absence de l’accusé, sans lui permettre de se défendre. Pour HRW et d’autres observateurs, cette condamnation envoie un message clair aux opposants : le régime est prêt à tout pour les réduire au silence.

La Cenco, dans sa déclaration du 6 octobre 2025, rappelle que la peine de mort est incompatible avec la doctrine de l’Église et avec les engagements internationaux de la RDC. Elle souligne aussi que ce verdict « dessert le pays » en sapant les efforts de dialogue et de réconciliation nationale. En effet, comment construire une paix durable en excluant, voire en éliminant, un acteur politique majeur ? La condamnation de Kabila risque d’exacerber les tensions et de radicaliser ses partisans, déjà nombreux dans l’est du pays.

La peine de mort est une atteinte au droit à la vie, garanti par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Son rétablissement en RDC a été condamné par l’Union européenne, Amnesty International et l’ECPM (Ensemble contre la peine de mort), qui y voient une « instrumentalisation » et un « recul démocratique ». La RDC, en réactivant cette peine, se place en marge du droit international et des tendances régionales.

La condamnation de Kabila, figure emblématique de l’opposition, crée un climat de terreur pour les journalistes, les militants et les autres opposants. Comme le craint HRW, « quel espoir reste-t-il pour une justice équitable si un ancien président peut être condamné à mort après un procès politisé ? ». Ce verdict ouvre la voie à une répression systématique sous couvert de lutte contre l’insécurité.

Le régime de Félix Tshisekedi se targue de défendre l’État de droit, mais utilise la justice militaire pour éliminer ses rivaux. La levée du moratoire et la condamnation de Kabila révèlent une stratégie de consolidation du pouvoir par la force, au mépris des institutions et des procédures démocratiques.

Dans un contexte déjà marqué par des conflits armés et une crise humanitaire, ce verdict aggrave les divisions et affaiblit les perspectives de paix. La Cenco et d’autres acteurs appellent à un « dialogue inclusif » ; la peine de mort, elle, ne fait que nourrir la violence et l’injustice.

Alors que des pays comme le Zimbabwe, le Gabon ou la Guinée ont récemment aboli la peine de mort, la RDC persiste dans une voie rétrograde. En Afrique subsaharienne, où deux tiers des États sont abolitionnistes en droit ou en pratique, la RDC fait figure d’exception honteuse. Même des pays confrontés à des crises sécuritaires, comme le Nigeria ou le Soudan, évitent désormais les exécutions massives. La RDC, en revanche, choisit la répression plutôt que la réforme, au risque d’isoler le pays sur la scène internationale.

La condamnation à mort de Joseph Kabila n’est pas un acte de justice, mais un acte de vengeance politique. Elle marque un recul démocratique, une violation des droits humains et un danger pour la stabilité du pays. La communauté internationale doit réagir avec fermeté : la RDC ne peut pas, sous prétexte de sécurité, bafouer les principes fondamentaux de justice et de dignité humaine.

La peine de mort n’a jamais résolu les crises ; elle ne fait qu’ajouter de la violence à la violence. Pour sortir de l’impasse, la RDC doit rétablir le moratoire, garantir des procès équitables et engager un vrai dialogue national. Sinon, ce verdict restera comme une tache indélébile sur l’histoire du pays et un avertissement pour tous ceux qui croient encore en la démocratie congolaise.

La justice ne se rend pas par la mort, mais par la vérité et la réconciliation. La RDC doit choisir : la barbarie ou l’espoir.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Edouard P.
Mis en ligne : 11/10/2025

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