Un hommage transformé en champ de bataille : L’UA reste muette - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 22/10/2025 01:10:00

Un hommage transformé en champ de bataille : L’UA reste muette

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Jeudi 16 octobre 2025, le Kenya a offert au monde une image glaçante : des dizaines de milliers de personnes en pleurs, fuyant sous les coups de feu et les gaz lacrymogènes dans un stade de Nairobi, alors qu’elles tentaient simplement de rendre un dernier hommage à Raila Odinga, figure historique de l’opposition kényane. Les forces de sécurité ont transformé un moment de recueillement en scène de chaos, blessant plusieurs personnes et semant la terreur parmi des citoyens en deuil.

Mais au-delà de l’indignation que suscite cette violence d’État, une question s’impose : où est l’Union africaine ? Pourquoi cette institution, censée incarner la solidarité et la protection des peuples africains, reste-t-elle muette face à la répression brutale d’un peuple en larmes ?

Raila Odinga n’était pas un homme politique comme les autres. Cinq fois candidat à la présidence, cinq fois vaincu souvent dans des conditions controversées, il incarnait la résistance face à l’autoritarisme et la corruption. Son décès, survenu en Inde le 15 octobre, a plongé le Kenya dans une émotion collective, révélant l’ampleur de son héritage. Pour des millions de Kényans, surtout parmi les communautés marginalisées comme les Luo, il était bien plus qu’un leader : un père, un symbole de dignité, un rempart contre l’arbitraire. Son combat pour la démocratie, marqué par des années de prison sous le régime de Daniel Arap Moi, en a fait une icône panafricaine. Pourtant, c’est sous les balles de la police que ses partisans ont dû lui dire adieu, dans un stade transformé en piège.

Les images sont accablantes : des mères portant leurs enfants, des jeunes gens trébuchant sous les nuages de gaz lacrymogène, des corps à terre. Les autorités kényanes justifient ces tirs par la « gestion de la foule », mais comment expliquer que des citoyens pacifiques, venus honorer la mémoire d’un homme qui a lutté pour leurs droits, soient traités comme des ennemis ? La réponse est simple : au Kenya, comme dans tant d’autres pays africains, le pouvoir craint le peuple. La mort d’Odinga a révélé la fragilité d’un régime qui, plutôt que de tolérer l’expression d’un deuil collectif, préfère la matraque et la balle. Pire, cette répression intervient alors que le président William Ruto, après avoir battu Odinga en 2022, avait tenté de se rapprocher de lui, allant jusqu’à le soutenir pour la présidence de la Commission de l’Union africaine un poste que ce dernier n’a jamais obtenu.

L’Union africaine (UA) a rapidement rendu hommage à Odinga, saluant son « panafricanisme » et son « visionnaire ». Mais où est-elle aujourd’hui, alors que ses concitoyens sont réprimés ? Où sont ses déclarations condamnant la violence policière ? Où sont ses observateurs, ses missions d’enquête, ses sanctions contre un État qui bafoue les droits les plus élémentaires ? L’UA semble une fois de plus réserver son activisme aux discours pompeux et aux cérémonies protocolaires. Elle réapparaîtra sans doute quand le peuple kényan, poussé à bout, se soulèvera – comme elle l’a fait en 2007, après les violences post-électorales qui avaient fait plus de 1 100 morts. Mais en attendant, son silence est assourdissant.

Cette inertie n’est pas nouvelle. L’UA a souvent montré son impuissance face aux crises politiques sur le continent, préférant la diplomatie discrète aux prises de position fortes. Pourtant, le Kenya n’est pas un cas isolé. En Ouganda, en Éthiopie, au Zimbabwe, les mêmes scénarios se répètent : des opposants emprisonnés, des manifestations réprimées dans le sang, et une UA aux abonnés absents. L’institution semble plus préoccupée par la stabilité des régimes que par la justice pour les peuples. En ne condamnant pas la répression à Nairobi, elle envoie un message clair : les vies des Africains ordinaires comptent moins que les alliances entre dirigeants.

À l’inverse, des organisations comme Amnesty International ou Human Rights Watch n’ont pas hésité à dénoncer les violences au Kenya. Même l’ONU, souvent critiquée pour sa lenteur, a rappelé les obligations du Kenya en matière de droits de l’homme. Pourquoi l’UA, qui se targue de représenter l’Afrique, reste-t-elle en retrait ? La comparaison avec l’Union européenne est édifiante : quand un État membre bafoue les droits fondamentaux, Bruxelles réagit, même timidement. L’UA, elle, se contente de communiqués lénifiants, comme si la souveraineté des États devait primer sur la dignité des citoyens.

Le Kenya pleure aujourd’hui un homme qui a consacré sa vie à la démocratie. Mais ce deuil est aussi celui d’une Afrique trahie par ses institutions. L’Union africaine doit choisir : soit elle continue à être la chambre d’enregistrement des dictatures et des régimes autoritaires, soit elle se réveille et défend enfin ceux pour qui elle est censée exister les peuples. Les Kényans, comme tous les Africains, méritent une institution qui les protège, pas une coquille vide qui ne s’anime que quand le feu couve sous la cendre.

La répression à Nairobi n’est pas qu’un drame kényan. C’est le symbole d’un continent où les élites politiques, avec la complicité de l’UA, étouffent les aspirations démocratiques. Raila Odinga aurait mérité mieux.

Article opinion écrit par le créatrice de contenu : Youssouf Arada.
Mis en ligne : 22/10/2025

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