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Le projet de loi des finances pour 2026 a révélé une mesure aussi brutale qu’inédite : la révision forcée des contrats de concession de Sonatel et Expresso, censée rapporter 50 milliards de francs CFA à l’État. Officiellement, cette décision se justifie par des « irrégularités » dans les renouvellements passés. Pourtant, derrière cette façade de justice contractuelle se cache un coup de force fiscal déguisé, une manœuvre risquée qui menace la sécurité juridique et la confiance des investisseurs, piliers pourtant essentiels à la croissance économique du pays.
Le Plan de redressement économique et social (PRES) présenté par le gouvernement table sur une hausse spectaculaire des recettes fiscales, passant de 18,9 % à 23,2 % du PIB en un an. Parmi les leviers actionnés, la révision des contrats des opérateurs télécoms n’est qu’un exemple parmi d’autres d’une stratégie fiscale agressive, critiquée pour son manque de transparence et son caractère régressif. Comme le souligne Abdoulaye Wilane, porte-parole du Parti socialiste, ce plan « manque de cadrage économique » et repose sur des « effets d’annonce » plutôt que sur une vision structurelle partagée. Pire, il s’inscrit dans une logique de pression fiscale immédiate, au mépris des conséquences à long terme sur l’attractivité du Sénégal.
Pourquoi ces irrégularités n’ont-elles été découvertes qu’aujourd’hui ? Pourquoi ne pas avoir agi lors des renouvellements contestés de 2017, alors que l’État était partie prenante ? La réponse est simple : ces contrats, signés ou tolérés pendant des années, deviennent soudainement des cibles faciles pour combler un déficit budgétaire croissant. Le gouvernement, qui se targue de vouloir corriger des abus, semble surtout chercher des recettes rapides, quitte à fragiliser la crédibilité de l’État. En témoigne la révision similaire des contrats de Canal+ ou de Woodside, où l’État exige des dommages et intérêts pour des motifs contestables, révélant une tendance inquiétante à la renégociation unilatérale des engagements.
Aucune explication claire n’a été donnée sur les critères de révision des contrats, ni sur les garanties offertes aux investisseurs pour éviter l’arbitraire. Comment croire en la stabilité des règles du jeu quand l’État lui-même les modifie au gré de ses besoins financiers ?
Le Sénégal, autrefois perçu comme un havre de stabilité en Afrique de l’Ouest, voit son image ternie. Les investisseurs, locaux comme étrangers, observent avec méfiance ces revirements. Comme le note un observateur, « au Sénégal, c’est la Sonatel et le désert » un monopole déjà critiqué, mais dont la remise en cause brutale pourrait dissuader les partenariats publics-privés, essentiels pour moderniser les infrastructures.
Le nouveau Code des investissements, adopté en septembre 2025, promet pourtant un cadre « plus incitatif » et une « égalité de traitement » entre investisseurs nationaux et étrangers. Comment concilier cette promesse avec des mesures qui, dans les faits, fragilisent la confiance et introduisent une insécurité juridique ?
L’histoire économique africaine regorge d’exemples où des hausses fiscales brutales ont étouffé la croissance. En Zambie, dans les années 2010, une taxation accrue des mines a provoqué une chute de 30 % des investissements, aggravant chômage et pauvreté. Le Sénégal, en s’engageant sur cette voie, risque de reproduire les mêmes erreurs, sacrifiant son potentiel sur l’autel d’un redressement budgétaire à court terme.
La révision des contrats de Sonatel et Expresso n’est pas une simple correction administrative, mais un signal alarmant envoyé à tous les acteurs économiques : au Sénégal, les engagements de l’État ne valent que jusqu’à la prochaine crise budgétaire. En fragilisant la confiance, le gouvernement pourrait bien obtenir l’inverse de l’effet escompté : moins d’investissements, moins de croissance, et in fine, moins de recettes. Quand l’État bafoue les contrats, qui osera encore investir ? La réponse dépendra de la capacité du gouvernement à rétablir un dialogue transparent et à garantir la stabilité des règles avant qu’il ne soit trop tard.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Babacar Sarr.
Mis en ligne : 25/10/2025
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