Fièvre de la vallée du Rift : L’illusion de la maîtrise face à l’impréparation - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Santé | Par Eva | Publié le 27/10/2025 01:10:00

Fièvre de la vallée du Rift : L’illusion de la maîtrise face à l’impréparation

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Depuis le 20 septembre 2025, le Sénégal est frappé par une épidémie de fièvre de la vallée du Rift (FVR), une maladie virale transmise par les moustiques et le contact avec le bétail. En un mois, 21 décès et 258 cas ont été recensés dans six régions du pays, dont un premier cas en banlieue de Dakar. Face à cette crise, le ministre de la Santé, Dr Ibrahima Sy, a multiplié les déclarations rassurantes, insistant sur l’absence de transmission interhumaine et annonçant une campagne de vaccination du bétail ainsi qu’une opération de sensibilisation.

Pourtant, derrière ce discours apaisant se cache une réalité bien plus préoccupante : l’absence criante de mesures préventives avant l’épidémie, des stocks de vaccins insuffisants, et une gestion sanitaire qui semble improvisée au fil de l’eau. L’analyse des faits révèle une préparation défaillante et une communication qui, loin de rassurer, interroge sur la capacité des autorités à gérer cette crise.

La fièvre de la vallée du Rift n’est pas une inconnue en Afrique. Depuis sa première identification au Kenya en 1931, elle a frappé à plusieurs reprises l’Afrique de l’Est et le Moyen-Orient, notamment lors de fortes précipitations ou d’inondations, conditions propices à la prolifération des moustiques vecteurs. Les pays de la région, comme le Kenya ou la Tanzanie, ont mis en place des systèmes d’alerte précoce et des campagnes de vaccination animale pour limiter la propagation du virus. Au Sénégal, en revanche, aucune mesure préventive d’envergure n’a été prise avant l’apparition des premiers cas, malgré les risques connus et les leçons des épidémies passées. Pire, les autorités semblent avoir été prises de court, alors que la maladie progresse rapidement dans les zones rurales et gagne désormais les abords de la capitale.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la FAO recommandent depuis des années la vaccination préventive du bétail, la lutte anti-vectorielle et la sensibilisation des populations exposées. Pourtant, au Sénégal, ces mesures n’ont été activées qu’après l’éclatement de l’épidémie, laissant le champ libre à une propagation qui aurait pu être évitée ou du moins limitée.

Le ministre de la Santé a beau répéter que la situation est « sous contrôle », les chiffres et les faits contredisent cette affirmation. La vaccination du bétail, présentée comme la solution miracle, ne concerne que les régions déjà touchées et ne couvre qu’une infime partie du cheptel national. Selon les autorités, il est impossible de vacciner les 9 millions d’animaux vulnérables, faute de moyens financiers et logistiques. Le coût estimé à 17 milliards de francs CFA pour une campagne nationale est jugé prohibitif, et les stocks de vaccins disponibles sont loin d’être suffisants pour endiguer l’épidémie. Dans ces conditions, comment croire en l’efficacité d’une riposte aussi limitée ?

Par ailleurs, la sensibilisation des populations, essentielle pour éviter les contacts avec les animaux malades, se heurte à des réalités terrain : manque d’équipements de protection pour les éleveurs, méconnaissance des gestes barrières dans les zones rurales, et retard dans la diffusion des messages préventifs. Les associations locales et les radios communautaires tentent de pallier ces manquements, mais leur action reste insuffisante face à l’ampleur de la crise.

Le contraste entre le discours rassurant du ministre et la progression du virus est frappant. Alors que les autorités minimisent la gravité de la situation, le nombre de cas et de décès ne cesse d’augmenter, et la maladie s’étend désormais à des zones urbaines, augmentant le risque d’une contamination massive.

Plusieurs éléments accablent la gestion gouvernementale de cette épidémie :

Aucun plan d’urgence n’a été activé avant l’apparition des premiers cas, alors que la FVR est une maladie connue et que des outils de prévention existent. Les pays voisins, comme le Kenya ou l’Arabie saoudite, ont montré qu’une épidémie pouvait être contenue grâce à une surveillance active et une vaccination précoce du bétail. Pourquoi le Sénégal n’a-t-il pas anticipé ?

La vaccination ciblée annoncée ne couvre que quatre régions sur quatorze, et les délais de déploiement restent flous. Comment protéger efficacement les populations et le bétail dans ces conditions ?

Insister sur l’absence de transmission interhumaine pour minimiser la crise est une stratégie risquée. Cela peut donner l’illusion d’une maîtrise de la situation, alors que le virus continue de se propager via les moustiques et le contact avec les animaux infectés.

Le Sénégal fait face à une situation économique difficile, avec un déficit budgétaire de 14 % et une dette publique à 119 % du PIB. Dans ce contexte, les budgets alloués à la santé sont sous tension, et les centres de santé manquent cruellement de ressources pour gérer une épidémie de cette ampleur.

En Afrique de l’Est, des systèmes d’alerte précoce, basés sur la surveillance météorologique et la vaccination massive du bétail, ont permis de réduire l’impact des épidémies. Au Kenya, par exemple, la vaccination est systématique dans les zones à risque, et des campagnes de lutte anti-vectorielle sont menées en amont des saisons des pluies. Au Sénégal, en revanche, les mesures sont prises a posteriori, une fois l’épidémie déclarée.

La fièvre de la vallée du Rift révèle les failles d’un système sanitaire sénégalais déjà fragilisé par des années de sous-investissement et de gestion approximative. Les discours rassurants du ministre de la Santé ne doivent pas masquer l’impréparation et le manque de moyens qui caractérisent la riposte actuelle. Pour éviter que cette épidémie ne devienne une crise majeure, il est urgent de passer des annonces aux actes : renforcer les stocks de vaccins, étendre la vaccination à l’ensemble des zones à risque, et mettre en place une véritable stratégie de prévention, en s’inspirant des bonnes pratiques des pays voisins.

La santé publique ne peut se contenter de mesures d’urgence improvisées. Elle exige une vision à long terme, des investissements durables et une transparence totale sur les risques encourus. À défaut, le Sénégal risque de payer cher son imprévoyance, en vies humaines comme en stabilité économique. La balle est désormais dans le camp des autorités : sauront-elles tirer les leçons de cette crise et agir avant qu’il ne soit trop tard ?.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Laye Fall.
Mis en ligne : 27/10/2025

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