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L’annonce de l’arrestation en France de Madiambal Diagne, patron du journal Le Quotidien, suite à une notice rouge émise par Interpol à la demande de la justice sénégalaise, a suscité une vague de réactions passionnées. Sur les réseaux sociaux, dans les médias et même parmi certains responsables politiques, le journaliste est déjà jugé coupable avant même d’avoir été entendu par un tribunal. Pourtant, la présomption d’innocence reste un pilier fondamental de tout État de droit. Cet article entend rappeler que Madiambal Diagne, comme tout justiciable, bénéficie de ce droit inaliénable, et que cette affaire doit être traitée avec la rigueur et l’équité qu’exige la justice.
Madiambal Diagne est accusé de tentatives d’escroquerie et de faux documents dans le cadre d’une enquête financière liée à son journal. Après avoir quitté le Sénégal pour la France, il se retrouve sous le coup d’une notice rouge d’Interpol, validée le 13 octobre 2025. Ses avocats ont immédiatement contesté la validité de cette notice, arguant de violations des droits de la défense et de la loi sénégalaise, et saisi la Chambre d’Accusation Financière à Dakar pour en demander l’annulation. Pourtant, dès l’annonce de son arrestation, relayée notamment par le journaliste Samba Seck sur Facebook, l’opinion publique semble avoir déjà tranché : Diagne est un coupable en fuite, un fraudeur, un homme à abattre.
Cette précipitation est d’autant plus inquiétante que la notice rouge n’est pas un mandat d’arrêt international contraignant. Elle permet simplement aux autorités françaises de procéder à une arrestation provisoire, en attendant une éventuelle extradition. Or, la France, comme tout État de droit, a l’obligation de vérifier que les droits de la personne concernée sont respectés, et que les poursuites ne sont pas motivées par des considérations politiques ou une volonté de museler la presse.
La présomption d’innocence est un droit fondamental, garanti par la Convention européenne des droits de l’homme, la Déclaration universelle des droits de l’homme et la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Pourtant, dans les affaires médiatiques, ce principe est régulièrement piétiné. Les exemples ne manquent pas : en Tunisie, la fille de l’ancien président Ben Ali a été placée sous contrôle judiciaire en France sur la base d’une notice rouge, alors que ses avocats dénoncent une manœuvre politique et une violation de ses droits. En Israël, des journalistes sont arrêtés et présentés comme coupables avant même leur procès, ce que Reporters sans frontières qualifie de « bafouement systématique » de la présomption d’innocence.
Dans le cas de Madiambal Diagne, la médiatisation de son arrestation, souvent accompagnée de commentaires accusateurs, crée un climat de condamnation publique. Les réseaux sociaux et certains médias n’hésitent pas à le désigner comme un « fugitif », un « escroc », voire un « ennemi public », sans attendre la moindre décision de justice. Cette pratique n’est pas sans conséquences : elle influence l’opinion, nuit à la réputation de l’accusé, et peut même peser sur le déroulement du procès.
Les avocats de Diagne ont souligné des irrégularités dans la procédure sénégalaise, notamment l’absence de notification officielle de l’interdiction de quitter le territoire, et des arrestations arbitraires de membres de sa famille, semble-t-il pour le forcer à revenir. Ces éléments, s’ils sont avérés, constituent des violations graves des droits de la défense et de la présomption d’innocence.
La couverture médiatique de cette affaire rappelle les dérives observées dans d’autres contextes, comme l’affaire d’Outreau en France, où des innocents ont été condamnés avant même leur procès en raison d’une médiatisation excessive. Les journalistes, comme les citoyens, ont le devoir de respecter la présomption d’innocence, sous peine de participer à un « lynchage médiatique ».
Les plateformes numériques amplifient les condamnations sans nuance. Des termes comme « fugitif », « criminel » ou « fraudeur » sont utilisés sans précaution, alors que la culpabilité de Diagne n’a été établie par aucun tribunal. Cette précipitation peut avoir des conséquences irréversibles sur sa vie professionnelle et personnelle, même en cas d’acquittement.
Si la France décide de donner suite à la demande d’extradition, elle devra s’assurer que Diagne bénéficiera d’un procès équitable au Sénégal. Or, les doutes sur l’indépendance de la justice sénégalaise dans cette affaire sont réels, comme en témoignent les recours de ses avocats et les critiques de la société civile.
Madiambal Diagne est avant tout un journaliste. Son arrestation et la manière dont elle est instrumentalisée pourraient envoyer un signal inquiétant à tous ceux qui osent enquêter sur des sujets sensibles. La presse doit pouvoir travailler sans crainte de représailles judiciaires abusives.
L’affaire Madiambal Diagne est un test pour nos démocraties. Elle nous rappelle que la présomption d’innocence n’est pas une option, mais une obligation. Condamner un homme avant son procès, c’est affaiblir la justice et ouvrir la voie à l’arbitraire. Il faut rappeler que seul un tribunal peut établir la culpabilité d’une personne, et que chaque citoyen, chaque journaliste, chaque responsable politique a le devoir de respecter ce principe.
En attendant, la question reste entière : comment garantir que les droits de Madiambal Diagne seront respectés tout au long de la procédure ? La réponse dépendra de la vigilance des avocats, des juges, mais aussi de chacun d’entre nous. Car défendre la présomption d’innocence, c’est défendre la justice, et donc la démocratie.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Balla Péne.
Mis en ligne : 27/10/2025
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