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La sortie de l’album « Éclosion » de Mia Guissé est présentée comme l’aboutissement d’une carrière solo fulgurante, saluée pour son originalité et sa résilience. Pourtant, derrière ce récit triomphal se dessine une réalité plus nuancée : celle d’une ascension savamment accompagnée par des réseaux influents, une médiatisation ciblée, et une récupération systématique de son histoire personnelle à des fins promotionnelles. Si Mia Guissé est aujourd’hui une figure majeure de la musique sénégalaise, son succès soulève des questions sur les mécanismes qui, dans l’industrie culturelle, favorisent certains talents au détriment d’autres, tout aussi méritants mais moins exposés.
Originaire de Tambacounda, Mia Guissé débarque à Dakar avec une guitare et un rêve. Repérée rapidement par Xuman et Keyti, figures du rap galsen, elle intègre le « Journal Rappé », une plateforme qui lui offre une visibilité immédiate. Son mariage puis son divorce très médiatisé avec Noface, ainsi que ses démêlés judiciaires, ont contribué à façonner son image d’artiste « authentique » et « résiliente ». Mais cette trajectoire, souvent décrite comme exemplaire, interroge : comment expliquer qu’une artiste puisse bénéficier d’une telle attention médiatique et publique, alors que d’autres peinent à émerger malgré des parcours tout aussi remarquables ?
Mia Guissé a su s’entourer des bons relais. Le « Journal Rappé », porté par des personnalités déjà établies, lui a ouvert les portes de la notoriété bien avant que son talent ne soit pleinement reconnu par le grand public. Ses singles, bien accueillis, ont été portés par une machine promotionnelle rodée, tandis que des artistes comme Dieyla Gueye ou Safary, malgré leurs qualités, restent cantonnées à des audiences confidentielles. La sortie de Éclosion est annoncée comme un « événement majeur », mais l’album repose en grande partie sur des titres déjà connus et sur des collaborations avec des stars confirmées, comme Viviane Chidid Ndour.
Son parcours personnel, divorce, polémiques vestimentaires, procès pour « outrage aux bonnes mœurs », est constamment mis en avant, parfois au détriment de son œuvre musicale. Les médias sénégalais, prompts à relayer ses moindres faits et gestes, participent activement à cette construction, tandis que des collectifs féminins engagés, comme FreeVoices ou Genji Hip Hop, restent dans l’ombre malgré des discours bien plus audacieux et engagés.
Contrairement à de nombreux artistes qui doivent se battre des années pour une reconnaissance minimale, Mia Guissé a bénéficié dès ses débuts de l’appui de mentors influents. Xuman, Keyti, puis Viviane Chidid Ndour lui ont offert une légitimité immédiate, là où d’autres doivent prouver leur valeur sans appui.
La couverture médiatique de Mia Guissé est souvent plus centrée sur sa vie privée que sur sa musique. À titre de comparaison, des artistes comme Black Queen ou Mina la Voilée, qui abordent des thèmes sociétaux majeurs (excision, violences conjugales, droits des femmes), reçoivent une attention bien moindre, alors qu’elles portent des messages bien plus subversifs et nécessaires.
Son divorce et ses controverses sont devenus des éléments clés de sa communication, réduisant parfois son art à un simple prolongement de sa biographie. Cette stratégie, bien que efficace commercialement, pose question : jusqu’où peut-on transformer l’intime en argument de vente sans risquer de diluer la valeur artistique ?
Le Sénégal compte des artistes féminines d’exception, comme Coumba Gawlo, Titi, ou les membres du collectif Genji Hip Hop, qui peinent à obtenir une fraction de la visibilité de Mia Guissé. Pourtant, leurs œuvres, souvent plus innovantes et engagées, mériteraient une reconnaissance à la hauteur de leur contribution.
À l’échelle internationale, des artistes comme Beyoncé ou Rihanna ont su allier talent et stratégie médiatique, mais leur succès s’appuie sur des décennies de travail et une influence culturelle profonde. Au Sénégal, Mia Guissé incarne plutôt les déséquilibres d’une industrie qui privilégie souvent le sensationnel à la qualité artistique. Des figures historiques comme Aïda Samb ou Soda Mama Fall, piliers de la musique sénégalaise, n’ont jamais bénéficié d’une telle exposition, malgré des carrières bien plus longues et des apports bien plus significatifs.
Mia Guissé est sans conteste une artiste talentueuse, mais son statut d’icône doit autant à son réseau qu’à son art. Son cas révèle les biais d’une industrie musicale où la notoriété se construit parfois davantage sur des stratégies de communication que sur le mérite pur. Il faut s’interroger : pourquoi certaines voix sont-elles amplifiées, tandis que d’autres, tout aussi essentielles, restent dans l’ombre ? La scène musicale sénégalaise gagnerait à offrir à toutes ses artistes les mêmes opportunités, non pas en fonction de leur capacité à faire parler d’elles, mais en fonction de la qualité de leur musique et de la pertinence de leur message. Une véritable équité passerait par une diversification des modèles de réussite, et par une reconnaissance plus large des talents qui, aujourd’hui, peinent encore à se faire entendre.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Anonyme.
Mis en ligne : 29/10/2025
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