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Le 27 octobre 2025, le ministre malien de l’Éducation annonçait la suspension de tous les cours dans les écoles et universités du pays pour deux semaines, en raison d’une pénurie de carburant imposée par un blocus des groupes djihadistes. Cette décision, présentée comme une mesure d’urgence, révèle en réalité l’incapacité de l’État malien à protéger les services publics essentiels et à garantir le droit fondamental à l’éducation.
Face à des groupes armés qui dictent leur loi, le gouvernement semble démuni, préférant fermer les établissements plutôt que de trouver des solutions structurelles. Cette situation illustre l’échec des autorités maliennes à assurer la continuité de l’enseignement et à protéger l’avenir de millions d’élèves, victimes collatérales d’une crise qui dure depuis des années.
Le Mali, en proie à une insurrection djihadiste depuis plus d’une décennie, voit aujourd’hui son économie et son système éducatif paralysés par des groupes comme Jama’at Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM), affilié à Al-Qaïda. Ces derniers ont imposé un blocus sur les importations de carburant, bloquant des centaines de camions-citernes à la frontière et plongeant le pays dans une crise sans précédent. Pourtant, cette situation n’est pas une surprise : depuis 2020, le JNIM utilise les blocus et les sièges comme armes de guerre, ciblant les artères vitales du pays pour déstabiliser l’État et asphyxier la population. Leur stratégie vise à rendre la gouvernance malienne « intenable », en coupant les approvisionnements et en isolant la capitale, Bamako.
Le gouvernement, dirigé par une junte militaire au pouvoir depuis 2020, a multiplié les promesses de contre-offensives et de réformes sécuritaires, sans résultats tangibles. Malgré la création d’un Commandement des opérations spéciales en juin 2025 et l’annonce d’une force conjointe de 5 000 hommes avec le Burkina Faso et le Niger, les attaques et les blocus se poursuivent, révélant l’inefficacité des mesures prises. Pire, les négociations avec les djihadistes, menées dans l’urgence et sans cohérence, n’ont abouti qu’à des échecs, les groupes armés exigeant des concessions toujours plus grandes.
La suspension des cours n’est pas une solution, mais un aveu d’impuissance. En fermant les écoles, l’État malien prive des milliers d’élèves de leur droit à l’éducation, aggravant une situation déjà critique : près de 15 000 écoles sont fermées en Afrique de l’Ouest et du Centre en 2025 à cause de l’insécurité, dont une grande partie au Mali. Chaque jour de cours perdu augmente le risque de décrochage scolaire, de recrutement par les groupes armés, et d’un avenir hypothéqué pour toute une génération. Pourtant, d’autres pays en crise ont montré qu’il était possible de maintenir l’école ouverte, même dans des conditions difficiles.
Au Nigeria, malgré des pénuries récurrentes de carburant, les autorités ont tenté de limiter l’impact sur l’éducation en maintenant les transports scolaires et en subventionnant les prix à la pompe, malgré les critiques sur la gestion opaque de la compagnie pétrolière nationale. La mise en service de la raffinerie Dangote en 2024 a également permis de réduire les importations et de stabiliser partiellement l’approvisionnement. Certes, la situation reste précaire, mais le gouvernement nigérian a au moins cherché des alternatives, contrairement au Mali.
Au Tchad, les crises de carburant ont aussi provoqué des grèves et des fermetures d’écoles, mais les autorités ont tenté de négocier avec les syndicats et de subventionner les prix pour éviter une paralysie totale des services publics. Même si ces mesures sont insuffisantes, elles montrent une volonté d’agir, là où le Mali semble résigné.
Le Mali, pays enclavé, dépend presque entièrement des importations de carburant. Pourtant, aucune politique énergétique alternative (stocks stratégiques, diversification des sources, énergie solaire) n’a été mise en place pour anticiper ces crises. Le blocus actuel révèle une dépendance dangereuse et un manque de préparation chronique.
Alors que les djihadistes ciblent délibérément les symboles de l’État, comme les écoles, la réponse du gouvernement est de fermer ces mêmes établissements, jouant ainsi le jeu des groupes armés. Les fermetures répétées depuis 2019 ont déjà doublé le nombre d’écoles inactives au Sahel, avec des conséquences dramatiques sur la scolarisation, surtout celle des filles.
Chaque suspension de cours aggrave les inégalités et expose les enfants à des risques accrus : travail précoce, mariages forcés, recrutement par les groupes armés. Dans une région où près de 40 % des enfants en âge d’être scolarisés ne le sont pas, cette décision condamne un peu plus l’avenir du Mali.
La junte malienne, plus préoccupée par son maintien au pouvoir que par la protection des citoyens, a reporté les élections et dissous des associations de la société civile, affaiblissant encore la résilience du pays. Les promesses de dialogue avec les djihadistes ou de contre-offensives militaires restent lettres mortes, tandis que la population paie le prix fort.
La suspension des cours au Mali n’est pas une fatalité, mais le résultat d’un échec collectif : celui d’un État incapable de protéger ses citoyens, de sécuriser ses approvisionnements, et de garantir l’éducation. Face à des djihadistes qui utilisent le blocus comme arme de guerre, le gouvernement doit cesser de subir et agir. Cela passe par des investissements urgents dans les énergies alternatives, une coordination régionale renforcée, et une protection effective des écoles et des enseignants.
Il faut que les autorités maliennes assument leurs responsabilités. L’éducation ne peut être l’otage des groupes armés ni la variable d’ajustement d’un État en déroute. Sans une réaction forte et coordonnée, c’est toute une génération qui sera sacrifiée sur l’autel de l’impréparation et de l’impuissance. Le Mali mérite mieux qu’un gouvernement qui capitule. L’heure n’est plus aux mesures d’urgence, mais à une refonte profonde des priorités nationales. Les enfants maliens n’ont pas de temps à perdre.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Idriss Konaté.
Mis en ligne : 06/11/2025
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