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La récente déclaration de Donald Trump qualifiant le Nigéria de « pays à haut risque » pour les chrétiens a suscité une réaction immédiate et mesurée du gouvernement nigérian. Dans un communiqué, Abuja a rappelé que le pays « célèbre la diversité » et que « la tolérance, la foi et l’inclusion » y sont des valeurs cardinales. Pourtant, derrière cette façade diplomatique, la réalité est bien plus sombre : le Nigéria est en proie à une montée des violences intercommunautaires et religieuses d’une ampleur inédite, contre laquelle l’État semble impuissant, voire en déni. Si la réponse officielle cherche à rassurer la communauté internationale, elle ne peut masquer l’échec patent des autorités à protéger leurs citoyens et à endiguer l’extrémisme.
Depuis des années, le Nigéria est le théâtre de massacres ciblant notamment les communautés chrétiennes. Les attaques se multiplient, qu’elles soient le fait de Boko Haram, de l’État islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP), ou de milices d’éleveurs peuls. En 2024 et 2025, les chiffres sont accablants : plus de 16 000 chrétiens tués en quatre ans, dont 55 % par des bergers peuls armés, 29 % par d’autres groupes terroristes, et 8 % par Boko Haram et ISWAP. Rien qu’en avril 2025, 56 personnes ont été massacrées dans l’État de Benue, et 43 fidèles chrétiens abattus lors du Dimanche des Rameaux dans l’État de Plateau. En juin 2025, jusqu’à 200 chrétiens ont été tués en une seule nuit dans l’État de Guma. Ces violences, souvent attribuées à des conflits pour la terre ou à des rivalités ethniques, prennent de plus en plus une dimension religieuse, alimentant un cycle de représailles et de radicalisation.
Le communiqué du gouvernement nigérian, qui insiste sur la « diversité » comme « plus grande force » du pays, sonne creux face à l’ampleur des exactions. Les autorités nigérianes rejettent toute idée de persécution ciblée contre les chrétiens, affirmant que les violences touchent toutes les communautés. Pourtant, les faits montrent une réalité bien différente : les attaques contre les chrétiens sont systématiques, coordonnées, et souvent impunies. Les forces de sécurité, malgré les alertes, peinent à intervenir à temps, voire ferment les yeux. Le père André, un prêtre local, a dénoncé la « passivité des forces de sécurité » avant les massacres de Noël 2023, où 170 chrétiens avaient été tués dans l’État de Plateau.
L’argument de la « tolérance » est d’autant plus fragile que l’État nigérian échoue à traduire en justice les responsables de ces violences. Amnesty International a souligné l’absence de comptes rendus pour les homicides de manifestants ou les exactions commises par les forces de l’ordre. Pire, des projets de loi visant à protéger les minorités ou à lutter contre les violences fondées sur le genre sont bloqués ou affaiblis, révélant un manque de volonté politique.
Malgré les promesses, le gouvernement nigérian n’a pas su assurer la sécurité des zones les plus exposées. Les villages chrétiens sont régulièrement incendiés, leurs habitants massacrés ou déplacés, sans que l’armée ou la police n’intervienne efficacement. Les survivants, terrifiés, fuient leurs terres, laissant le champ libre aux groupes armés.
Les auteurs de ces violences, qu’ils soient membres de Boko Haram, de milices peules ou d’autres groupes, bénéficient d’une impunité quasi totale. Les rares tentatives de justice se heurtent à la corruption et à l’inefficacité des institutions. Les victimes, elles, sont laissées sans soutien ni réparation.
En minimisant la dimension religieuse des conflits, le gouvernement nigérian prend le risque d’aggraver les tensions. Les groupes extrémistes, qu’ils soient islamistes ou milices communautaires, instrumentalisent ces déclarations pour justifier leurs actions, présentant l’Occident ou les chrétiens comme des ennemis à abattre.
Malgré l’aide internationale et des budgets sécuritaires colossaux, Boko Haram et ISWAP continuent de prospérer, tandis que les conflits entre agriculteurs et éleveurs s’intensifient. La compétition pour les terres, exacerbée par le changement climatique et la démographie galopante, est instrumentalisée par des acteurs religieux ou politiques, attisant les haines.
La situation nigériane n’est pas isolée. En République centrafricaine, au Mali ou au Cameroun, les violences intercommunautaires et religieuses ont aussi dégénéré en crises humanitaires. Pourtant, peu de pays affichent un tel décalage entre le discours officiel et la réalité du terrain. Alors que d’autres États africains, comme le Rwanda après le génocide, ont su reconnaître leurs failles et engager des réformes, le Nigéria persiste dans le déni, préférant préserver son image plutôt que de affronter ses démons.
La réponse du Nigéria à Donald Trump, aussi diplomatique soit-elle, ne doit pas faire oublier l’urgence de la situation. Le pays, premier foyer de violences contre les chrétiens en Afrique, ne peut se contenter de belles paroles. Il est temps pour Abuja de reconnaître l’ampleur de la crise, de protéger toutes ses communautés, et de rompre avec l’impunité. Sans cela, le Nigéria risque de sombrer davantage dans le chaos, au détriment de millions de citoyens pris au piège de la violence et de l’abandon.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Bocar Diop.
Mis en ligne : 14/11/2025
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