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Récemment, le Nigeria a réaffirmé son ouverture à une aide américaine dans la lutte contre les insurgés islamistes, à condition que son intégrité territoriale soit respectée. Cette déclaration fait suite aux menaces d’intervention militaire proférées par le président américain Donald Trump, justifiées par la nécessité de protéger les communautés chrétiennes du pays. Si la lutte contre le terrorisme est un enjeu légitime, cette posture américaine soulève des questions troublantes : s’agit-il vraiment d’une mission humanitaire, ou d’une nouvelle forme de néocolonialisme, où la défense des chrétiens sert de prétexte à des visées géostratégiques et économiques ? Une analyse des faits et de l’histoire récente des interventions américaines en Afrique invite à la prudence, voire à la méfiance.
Le Nigeria, première puissance économique d’Afrique, est un pays profondément divisé entre un nord majoritairement musulman et un sud à majorité chrétienne. Depuis plus de quinze ans, le nord-est du pays est ravagé par l’insurrection de Boko Haram et de groupes affiliés à l’État islamique.
Si les violences touchent toutes les communautés, les États-Unis ont choisi de mettre en avant la protection des chrétiens, alimentant ainsi une lecture biaisée et simpliste du conflit. Pourtant, le Nigeria dispose de ressources naturelles stratégiques, notamment pétrolières et gazières, qui en font un partenaire économique clé pour Washington. Jusqu’à l’essor du pétrole de schiste américain, les États-Unis importaient près d’un million de barils de brut nigérian par jour, et le pays reste un acteur central dans la sécurisation des approvisionnements énergétiques occidentaux en Afrique de l’Ouest.
L’histoire des interventions américaines en Afrique et au Moyen-Orient montre que les motivations humanitaires cachent souvent des intérêts bien plus terre-à-terre. Depuis les années 2000, les États-Unis ont intensifié leur présence militaire sur le continent, avec des bases et des opérations secrètes dans des pays comme la Somalie, le Tchad ou la Libye. Officiellement, il s’agit de lutter contre le terrorisme ou de former des armées locales. En réalité, ces interventions ont souvent déstabilisé les régions concernées, comme en Libye après 2011, où l’intervention occidentale a plongé le pays dans le chaos.
Au Nigeria, la menace d’une intervention « rapide » pour protéger les chrétiens risque d’aggraver les tensions religieuses et de fragiliser l’unité nationale, déjà mise à mal par des décennies de conflits ethniques et religieux.
Les États-Unis ont une longue tradition d’ingérence sous couvert de défense des droits de l’homme ou de la démocratie. En Afrique, cette stratégie a souvent servi à sécuriser l’accès aux ressources ou à contrer l’influence d’autres puissances, comme la Chine ou la Russie. Le Nigeria, avec ses immenses réserves de pétrole et de gaz, ne fait pas exception. Les multinationales pétrolières, souvent en collusion avec les élites locales, exploitent ces ressources au détriment des populations, tandis que les gouvernements occidentaux ferment les yeux sur les abus, pourvu que leurs intérêts soient préservés.
En instrumentalisant la protection des chrétiens, les États-Unis risquent d’attiser les divisions entre communautés, alors que la majorité des victimes de Boko Haram sont musulmanes. Une intervention étrangère perçue comme partiale ne pourrait qu’exacerber les clivages et alimenter le recrutement des groupes extrémistes.
Les États-Unis ont déjà montré, en Irak, en Libye ou en Somalie, que leurs interventions militaires laissent derrière elles des États faillis et des sociétés fracturées. Le Nigeria n’a pas besoin d’une « solution » imposée de l’extérieur, mais d’un soutien qui respecte sa souveraineté et renforce ses propres institutions.
Le pétrole et le gaz nigérians sont des enjeux majeurs. Les États-Unis, après avoir réduit leurs importations en raison de leur autosuffisance énergétique, restent attentifs à la stabilité de la région pour éviter toute perturbation de l’approvisionnement mondial. Une intervention militaire pourrait servir à sécuriser ces ressources, sous prétexte de lutte contre le terrorisme.
Le Nigeria doit refuser toute ingérence qui menacerait son unité et sa souveraineté. Plutôt que de céder aux pressions américaines, le pays gagnerait à renforcer la coopération régionale, via la CEDEAO ou l’Union africaine, et à exiger un soutien international qui respecte ses priorités et son intégrité territoriale. Les États-Unis, de leur côté, devraient cesser de brandir la menace militaire et privilégier une aide technique et économique, transparente et désintéressée.
Il faut que la communauté internationale, et notamment les puissances occidentales, reconnaissent que la sécurité et le développement de l’Afrique ne peuvent passer par des interventions militaires imposées. Le Nigeria, comme les autres pays du continent, mérite un partenariat fondé sur le respect mutuel, et non sur la domination ou l’exploitation. La lutte contre le terrorisme ne peut être efficace que si elle est menée dans le respect des peuples et de leur droit à l’autodétermination. Les États-Unis feraient bien de s’en souvenir.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Théodore S.
Mis en ligne : 15/11/2025
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