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Le député Papa Djibril Fall a récemment dénoncé avec véhémence la suspension temporaire de l’interdiction de circulation interurbaine nocturne, du 6 au 9 novembre 2025, pour faciliter le Terra-meeting du parti Pastef. Pour lui, cette mesure est une « instrumentalisation flagrante des règles de sécurité au profit d’un agenda partisan » et une « violation du principe d’égalité devant la loi ». Si le ton est moralisateur, la posture mérite examen : derrière cette indignation affiché se cache une stratégie politique bien rodée, où la défense des principes républicains sert surtout à discréditer l’adversaire.
L’arrêté interministériel du 11 janvier 2023 interdit le transport public interurbain entre 23h et 5h, une règle appliquée avec rigueur depuis des mois. Sa suspension ponctuelle, pour permettre la mobilisation autour d’un meeting politique, a effectivement de quoi surprendre. Mais est-elle vraiment une première ? L’histoire récente montre que les dérogations pour des événements politiques ou électoraux ne sont pas rares. Lors des législatives de novembre 2024, par exemple, une interdiction similaire de circulation inter-régions avait été instaurée, mais avec des autorisations spéciales délivrées par les autorités. La sécurité est souvent un argument flexible, adapté aux circonstances.
Papa Djibril Fall se pose en gardien intransigeant de la neutralité des institutions. Pourtant, son parti, comme d’autres, a déjà bénéficié de mesures exceptionnelles pour ses propres activités. Où était sa voix quand des meetings ou des campagnes électorales ont été facilités par des assouplissements similaires ? Son silence passé contraste avec son indignation actuelle, suggérant que sa critique est moins motivée par le respect des règles que par la couleur politique de l’événement.
Son discours repose aussi sur une dramatisation non étayée : il affirme que la mesure « fait grincer des dents au sein même des Forces de Défense et de Sécurité (FDS) », sans apporter la moindre preuve de ce mécontentement supposé. Cette rhétorique, qui frise la manipulation, vise à mobiliser son électorat et à semer le doute sur la légitimité des autorités. En brandissant le spectre d’une « dérive autoritaire », il cultive l’émotion plutôt que le débat rationnel.
Djibril Fall dénonce aujourd’hui ce qu’il a toléré hier. Lors des élections législatives de 2024, des restrictions de circulation avaient été imposées, mais avec des dérogations pour les acteurs politiques. Pourquoi ne pas avoir crié à l’instrumentalisation à l’époque ?
Aucune source officielle ne confirme les tensions au sein des FDS. Son affirmation relève davantage de l’effet d’annonce que du constat vérifié.
En accusant les autorités de « manipulation des institutions », il alimente la défiance, alors que le pays a besoin d’apaisement. Son appel à une « réaction républicaine » sonne comme un slogan creux, dépourvu de propositions concrètes pour concilier sécurité et vie démocratique.
Au Sénégal, les interdictions de circulation pour des raisons politiques ne datent pas d’hier. En 2024, la circulation inter-régions avait été restreinte le jour du scrutin législatif, avec des exceptions pour les forces de l’ordre et les véhicules de secours. Personne, y compris Djibril Fall, n’avait alors parlé de « géométrie variable ». La différence ? Ces mesures profitaient à tous les partis, et non à un adversaire politique.
Papa Djibril Fall instrumentalise la question de la sécurité pour servir ses propres intérêts. Son discours, plus politique que principiel, révèle une stratégie de communication visant à discréditer le Pastef et à mobiliser ses soutiens. Plutôt que de défendre une application rigoureuse et égalitaire des règles, il exploite les contradictions des autorités pour en tirer un avantage partisan. Son indignation sonne creux, et sa crédibilité en sort affaiblie.
La vraie question n’est pas de savoir si la suspension de l’interdiction est justifiée, mais pourquoi certains élus, comme Djibril Fall, ne s’en émurent que lorsqu’elle avantage leurs rivaux. La cohérence et la transparence seraient bien plus utiles au débat démocratique que ces postures opportunistes.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Yves Sagna.
Mis en ligne : 19/11/2025
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