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L’affaire Badara Gadiaga continue de faire couler beaucoup d’encre. Selon le journal Libération, le parquet s’est récemment opposé à la demande de liberté provisoire du chroniqueur, maintenu en détention depuis juillet 2025 pour diffusion de fausses nouvelles, discours contraires aux bonnes mœurs et offense à une personne exerçant les prérogatives du président de la République. Cette situation fait suite à un échange houleux avec l’actuel ministre du Tourisme, Amadou Bâ, lors de l’émission Jakarlo Bi du 4 juillet 2025. Si ses avocats invoquent la liberté d’expression, une analyse plus fine révèle que son incarcération est moins le fruit d’une répression politique que la conséquence logique de ses propres excès.
En effet, la liberté d’expression, aussi fondamentale soit-elle, ne saurait couvrir des propos diffamatoires ou mensongers. Son cas pourrait bien servir d’électrochoc pour rappeler que la liberté s’accompagne de devoirs, et qu’il est temps pour les journalistes sénégalais de s’auto-réguler avant que l’État ne le fasse à leur place.
Badara Gadiaga est un chroniqueur connu pour ses prises de position tranchées, souvent à la limite de la provocation. Lors de l’émission Jakarlo Bi du 4 juillet 2025, son échange avec Amadou Bâ, alors député, a dégénéré en une joute verbale où les insultes et les accusations non étayées ont pris le pas sur le débat d’idées. Le procureur de la République a ordonné une enquête, conduisant à son arrestation. Depuis, le parquet maintient sa position, malgré les contestations du chroniqueur, qui nie toute offense et affirme avoir simplement « répliqué politiquement ».
Le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) a d’ailleurs mis en demeure la chaîne TFM pour les dérives de l’émission, soulignant que les excès verbaux et les propos non vérifiés ne sauraient être tolérés au nom de la liberté d’expression. Cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large où plusieurs journalistes et chroniqueurs sénégalais ont été poursuivis pour des faits similaires, notamment pour diffusion de fausses nouvelles ou diffamation.
Les arguments de la défense de Badara Gadiaga reposent sur l’idée que sa détention serait une atteinte à la liberté de la presse. Pourtant, les faits lui sont reprochés relèvent moins de l’exercice légitime du journalisme que de l’abus de tribune. En effet, la liberté d’expression, garantie par la Constitution sénégalaise et les conventions internationales, n’est pas absolue. Elle trouve ses limites dans le respect de la dignité d’autrui, de l’ordre public et de la vérité des faits. L’article 255 du Code pénal sénégalais, souvent critiqué pour son instrumentalisation, vise précisément à sanctionner la diffusion de fausses nouvelles et les propos diffamatoires des infractions qui, loin d’être anodines, peuvent semer la discorde et nuire à la cohésion sociale.
De plus, le cas de Badara Gadiaga n’est pas isolé. Au Sénégal comme ailleurs en Afrique, plusieurs journalistes ont été poursuivis pour des motifs similaires, rappelant que la justice doit s’appliquer à tous, y compris aux figures médiatiques. Par exemple, au Maroc, le journaliste Hamid El Mahdaoui a été condamné pour « diffusion de fausses allégations » et « diffamation », illustrant une tendance régionale à encadrer plus strictement les dérives médiatiques. En Côte d’Ivoire, des journalistes ont également été inculpés pour « publication d’informations fausses » et « atteinte à l’autorité de l’État ».
La liberté d’expression ne peut servir de bouclier pour tenir des propos mensongers ou insultants. Les lois sénégalaises, comme celles de nombreux pays, protègent les individus contre la diffamation et les fausses nouvelles, surtout lorsqu’elles visent des personnalités publiques dans l’exercice de leurs fonctions. Badara Gadiaga, en utilisant des termes comme « Yakatane » (proxénète en wolof) pour qualifier Amadou Bâ, a franchi une ligne rouge. Ses avocats peuvent invoquer la liberté d’expression, mais celle-ci ne saurait couvrir des attaques personnelles non fondées.
L’affaire Gadiaga met en lumière l’urgence pour les médias sénégalais de se doter de mécanismes d’auto-régulation plus stricts. Le CNRA a déjà rappelé à l’ordre la chaîne TFM, mais ces mesures restent insuffisantes. Une presse responsable doit s’imposer des règles éthiques pour éviter que l’État ne soit contraint d’intervenir, au risque de restreindre davantage les libertés.
La détention de Badara Gadiaga envoie un message clair : personne n’est au-dessus des lois, pas même les journalistes. Ce cas pourrait inciter les professionnels des médias à plus de rigueur et de responsabilité, évitant ainsi des dérives qui discréditent l’ensemble de la profession.
Badara Gadiaga n’est pas une victime de la répression, mais bien l’auteur de ses propres malheurs. Son incarcération rappelle que la liberté d’expression, aussi précieuse soit-elle, ne doit pas être confondue avec la licence de tout dire, surtout quand cela relève de la calomnie ou de la désinformation. Plutôt que de crier à la censure, les journalistes sénégalais feraient bien de réfléchir à l’impact de leurs propos et à la nécessité de s’auto-discipliner. La crédibilité de la presse en dépend, tout comme la qualité du débat public. Il faut passer des polémiques stériles à un journalisme plus rigoureux et respectueux des règles déontologiques. La liberté, oui ; l’impunité, non.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Malick Sagna.
Mis en ligne : 23/11/2025
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