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La récente annonce de Mame Mbaye Niang et Pape Malick Ndour de se constituer partie civile contre le Premier ministre Ousmane Sonko, au sujet du rapport PRODAC, a suscité une nouvelle polémique dans le paysage politique sénégalais. Selon les deux anciens ministres, Sonko persiste à colporter des « contre-vérités » sur un rapport qu’ils affirment ne pas exister. Pourtant, comme le soulignent plusieurs juristes, cette plainte semble vouée à l’échec en raison d’obstacles juridiques majeurs.
L’affaire remonte à 2023, lorsque Ousmane Sonko, alors dans l’opposition, avait accusé Mame Mbaye Niang de détournement de fonds dans le cadre du PRODAC. Ces accusations avaient conduit à sa condamnation pour diffamation, avec six mois de prison avec sursis et 200 millions de francs CFA de dommages et intérêts. Depuis, la Cour suprême a confirmé cette condamnation à plusieurs reprises, clôturant définitivement le dossier sur le plan judiciaire. Pourtant, Niang et Ndour reviennent à la charge, dénonçant des « accusations fallacieuses » et annonçant une nouvelle plainte.
En tant que Premier ministre, Ousmane Sonko bénéficie d’un privilège de juridiction : il ne peut être jugé que par la Haute Cour de Justice pour les actes commis dans l’exercice de ses fonctions. Or, comme le rappelle le professeur Ndiack Fall, une mise en accusation par l’Assemblée nationale nécessiterait le soutien des trois cinquièmes des députés, soit 99 voix. Avec 130 députés, le PASTEF détient une majorité confortable, rendant toute procédure devant la Haute Cour de Justice hautement improbable. La Haute Cour, rarement sollicitée depuis 1960, est une juridiction d’exception, souvent perçue comme un « cauchemar » pour les ministres qui y sont traduits, tant les procédures y sont complexes et politisées.
Le principe « non bis in idem » interdit de juger une personne deux fois pour les mêmes faits. Serigne Thiam, juriste, souligne que si la nouvelle plainte repose sur les mêmes éléments que ceux ayant conduit à la condamnation de 2023, elle sera bloquée par ce principe. Seuls des faits nouveaux et distincts pourraient justifier une nouvelle action en justice. Or, Niang et Ndour ne semblent pas en mesure de présenter de tels éléments.
Dans un contexte où le système judiciaire sénégalais fait face à des défis majeurs (retards, surcharge, besoin de réformes), cette plainte mobilisera des moyens pour un résultat prévisible : un rejet pur et simple. Comme l’a montré la Cour de justice de la CEDEAO dans une affaire similaire, le principe « non bis in idem » est strictement appliqué lorsque les faits, les parties et les périodes sont identiques.
Niang et Ndour, en annonçant publiquement leur intention de déposer plainte, cherchent à occuper l’espace médiatique et à discréditer Sonko. Pourtant, leur démarche semble plus symbolique que réelle, compte tenu des obstacles juridiques. Leur objectif : entretenir la polémique et mobiliser leurs soutiens, plutôt que d’obtenir gain de cause devant les tribunaux.
L’histoire récente montre que les plaintes politiques contre des membres du gouvernement aboutissent rarement. En 2005, l’affaire Idrissa Seck devant la Haute Cour de Justice s’était soldée par un non-lieu, illustrant la difficulté de faire condamner un Premier ministre en exercice.
Les Sénégalais, déjà méfiants envers une justice souvent perçue comme politisée, risquent de voir dans cette plainte une nouvelle tentative de règlement de comptes. Comme le note un observateur, « une plainte sans issue, c’est comme un procès sans juge : une mascarade ».
Au Sénégal comme ailleurs, les tentatives de poursuivre des responsables politiques en exercice pour des faits déjà jugés se heurtent systématiquement aux principes de l’autorité de la chose jugée et du privilège de juridiction. La Cour de justice de la CEDEAO a récemment rejeté une plainte pour violation du « non bis in idem », rappelant que les procédures doivent être distinctes pour être recevables. En France ou au Royaume-Uni, les ministres bénéficient également de protections similaires, limitant les poursuites abusives.
La plainte de Mame Mbaye Niang et Pape Malick Ndour contre Ousmane Sonko apparaît comme une manœuvre politique, condamnée par les réalités juridiques. Entre le privilège de juridiction, le principe « non bis in idem » et l’absence de faits nouveaux, cette démarche a peu de chances d’aboutir. Elle illustre cependant la tendance à utiliser la justice comme arme politique, au risque d’affaiblir encore la confiance des citoyens dans les institutions.
Cette plainte est moins une quête de justice qu’un coup de communication, dont l’échec annoncé ne fera que renforcer la polarisation du débat public. La vraie question reste : jusqu’où iront les acteurs politiques dans l’instrumentalisation de la justice ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Alioune Diop.
Mis en ligne : 27/11/2025
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