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L’article récent sur les difficultés des jeunes entrepreneurs thiessois, illustré par le cri du cœur d’Aïcha Rassoul Gning, est édifiant. Mais ce qui frappe surtout, c’est l’énorme décalage entre les ambitions de certains commerçants et la réalité économique de la ville. Une robe enfant à 30 000 FCFA ? Des chaussures pour gosses entre 20 000 et 25 000 FCFA ? À Thiès, en 2025 ? Qui ose croire que c’est accessible, sinon une poignée de privilégiés ? La réponse est simple : personne. Et c’est bien là le problème.
Thiès, souvent présentée comme une ville dynamique, regorge effectivement de potentiel. Mais ce potentiel se heurte à une réalité implacable : le pouvoir d’achat local est faible, très faible. Les Thiessois, comme la majorité des Sénégalais, doivent composer avec des budgets serrés, des fins de mois difficiles, et une préférence marquée pour les produits abordables. Pendant ce temps, certains entrepreneurs locaux, animés par une passion louable mais déconnectée, s’obstinent à proposer des articles de luxe à des prix dignes des Champs-Élysées. Résultat ? Des boutiques vides, des stocks qui s’accumulent, et des rêves entrepreneuriaux qui tournent au cauchemar.
Sur les plateformes en ligne, une paire de chaussures pour enfant se trouve à partir de 2 500 FCFA, et des robes pour filles sont disponibles à moins de 10 000 FCFA, même en boutique spécialisée à Dakar. Alors, comment justifier des prix multipliés par cinq ou dix ? Par l’excellence du « made in Thiès » ? Par la qualité supérieure ? Ou simplement par une méconnaissance crasse du marché local ?
Le cas d’Aïcha Rassoul Gning est symptomatique. Son amertume est compréhensible, mais son erreur est grossière : elle a cru que son nom, son attachement à Thiès, ou la qualité de ses produits suffiraient à attirer une clientèle qui, tout simplement, n’a pas les moyens. Le luxe, ça se vend à Dakar, dans les quartiers huppés, ou à l’étranger, pas dans une ville où le chômage des jeunes frôle les 20 % et où les salaires moyens ne permettent pas de tels caprices.
Les Thiessois, comme tous les Sénégalais, sont malins : ils comparent, ils chinent, ils achètent en ligne ou en friperie. Le marché de Colobane, à Dakar, regorge de vêtements et chaussures pour enfants à prix cassés, et les sites comme Jumia ou CoinAfrique proposent des alternatives bien plus abordables. Alors, pourquoi dépenser une fortune dans une boutique locale quand on peut trouver mieux, moins cher, ailleurs ?
Le luxe local est un leurre. À Thiès, comme ailleurs au Sénégal, la demande pour des produits haut de gamme est marginale. Les rares clients potentiels préfèrent souvent se tourner vers Dakar ou vers des marques internationales, perçues comme plus prestigieuses. Les artisans et entrepreneurs locaux qui misent sur le luxe se condamnent eux-mêmes à l’échec, faute de cible solide.
L’absence de politique d’accompagnement aggrave la situation. Les jeunes entrepreneurs manquent cruellement de formation en gestion, en marketing, et en analyse de marché. Ils lancent leurs boutiques sans étude préalable, sans stratégie de prix adaptée, et s’étonnent ensuite de ne pas vendre.
La concurrence est féroce. Entre les friperies, les importations à bas prix, et l’e-commerce, les boutiques locales n’ont aucune chance si elles ne se positionnent pas sur un créneau accessible. Le « made in Thiès » ne se vendra que s’il est compétitif, pas s’il se prend pour du Dior.
Regardez ce qui se passe à Dakar : même les boutiques de maroquinerie de luxe locales doivent revoir leurs prix à la baisse, faute de clients. Même les marques internationales de luxe peinent à séduire une clientèle locale qui, malgré une croissance économique réelle, reste prudente et tournée vers l’essentiel.
En Afrique de l’Ouest, le marché du luxe se développe, mais il repose sur une clientèle très spécifique : une élite urbaine, des expatriés, des touristes. Thiès n’a ni l’un ni l’autre. Vouloir y implanter une boutique de luxe, c’est comme vouloir vendre des glaces en Antarctique : c’est joli sur le papier, mais ça ne marche pas dans la vraie vie.
Les jeunes entrepreneurs thiessois ont du talent, de la volonté, et un amour sincère pour leur ville. Mais ils doivent descendre de leur nuage. Thiès a besoin de commerces accessibles, de produits qui répondent aux besoins réels de sa population, pas de vitrines clinquantes qui ne font rêver que leurs propriétaires.
Le vrai patriotisme économique, ce n’est pas de vendre cher, c’est de vendre malin. De créer des emplois durables, de proposer des prix justes, et de construire une économie locale solide. Le cri du cœur d’Aïcha Rassoul Gning doit être entendu, mais comme un avertissement : sans réalisme, sans adaptation, l’entrepreneuriat local est condamné à l’échec.
Alors, chers entrepreneurs, un conseil : arrêtez de jouer aux grands, et commencez par écouter votre clientèle. Parce qu’à Thiès, comme partout ailleurs, c’est le porte-monnaie qui a le dernier mot.
Pensez-vous que les entrepreneurs locaux devraient systématiquement privilégier l’accessibilité, ou existe-t-il une place pour le luxe dans les villes secondaires comme Thiès ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mamadou Mbaye.
Mis en ligne : 01/12/2025
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