Le Sénégal, victime de son propre succès : Coupe du Monde 2026 - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Sport | Par Maimouna | Publié le 21/12/2025 05:12:45

Le Sénégal, victime de son propre succès : Coupe du Monde 2026

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Le tirage au sort de la Coupe du Monde 2026 a placé le Sénégal dans un groupe I redoutable, aux côtés de la France, de la Norvège et d’un barragiste. Si les médias saluent le « remake » de 2002, où les Lions avaient humilié les Bleus en match d’ouverture, cette nouvelle confrontation révèle une réalité plus amère : le Sénégal, après des années de progrès et de victoires, semble aujourd’hui payer le prix de son succès. Entre une pression médiatique démesurée, un manque de soutien institutionnel et un statut d’équipe ciblée, les Lions de la Téranga risquent de devenir les éternels « géants aux pieds d’argile » du football africain.

Le Sénégal a marqué l’histoire du football africain en battant la France en 2002, puis en remportant la CAN 2021. Ces exploits, loin de lui ouvrir les portes d’une reconnaissance durable, ont fait des Lions une cible. En 2002, le Sénégal était un outsider inspirant ; en 2026, il est attendu au tournant. Chaque match contre une grande nation européenne devient un piège narratif : une défaite serait perçue comme une régression, une victoire comme un exploit éphémère, jamais comme une normalité.

Contrairement à la France ou à la Norvège, le Sénégal ne bénéficie pas d’une structure fédérale aussi solide. La Fédération sénégalaise de football (FSF), malgré ses efforts, ne dispose pas des mêmes ressources financières, techniques ou logistiques que ses homologues européennes. Les joueurs sénégalais, bien que talentueux et évoluant dans les meilleurs clubs du monde, doivent constamment faire mieux avec moins.

Le groupe I est un symbole des inégalités du football mondial. La France, vice-championne du monde, et la Norvège, en pleine ascension, partent avec un avantage structurel. Le Sénégal, lui, devra non seulement rivaliser sur le terrain, mais aussi gérer une pression médiatique disproportionnée. Depuis 2002, les médias internationaux et locaux ne cessent de rappeler « l’exploit » de 2002, transformant chaque rencontre en un fardeau psychologique. Comme le souligne Hervé Renard, ancien sélectionneur de plusieurs équipes africaines, « le Sénégal ne parle que de ce match depuis 20 ans ».

Cette obsession médiatique crée un paradoxe : le Sénégal est à la fois célébré pour ses performances passées et condamné à les répéter, sous peine d’être jugé en déclin. Pourtant, les Lions ont prouvé leur constance, atteignant les quarts de finale en 2002, la finale de la CAN en 2019, et remportant le titre en 2021. Mais dans l’imaginaire collectif, une équipe africaine, même championne d’Afrique, reste un « outsider » face à l’Europe.

Après avoir battu la France en 2002 et remporté la CAN 2021, le Sénégal est désormais perçu comme une menace. Les grandes nations européennes, comme la France, abordent ces matchs avec une détermination redoublée, comme pour rappeler l’ordre établi. Le « remake » de 2026 n’est pas une célébration, mais un rappel à l’ordre : l’Afrique ne doit pas trop rêver.

Le Sénégal est attendu au tournant. Une victoire contre la France serait saluée comme un exploit, une défaite comme une preuve de régression. Cette logique binaire ignore la réalité : le football sénégalais a progressé, mais il reste désavantagé par des moyens inégaux. La Norvège, par exemple, dispose d’un système de formation et d’un soutien financier bien supérieur, sans parler de la France, championne du monde en titre.

La FSF, malgré ses qualités, ne peut rivaliser avec les fédérations européennes en termes de budgets, d’infrastructures ou de préparation. Les joueurs sénégalais, souvent formés en Europe, doivent compenser ce déficit par un engagement surhumain. À l’inverse, la France ou la Norvège bénéficient de centres de formation de pointe, de staffs techniques étoffés et de préparations optimisées.

Le tirage de 2026 n’est pas un hasard : les équipes africaines, malgré leur progression, sont souvent placées dans des groupes difficiles. Le Sénégal devra affronter deux nations européennes et gérer des déplacements épuisants entre les États-Unis, le Mexique et le Canada. Une élimination précoce serait immédiatement interprétée comme un échec, alors qu’elle pourrait simplement refléter des conditions inégales.

Le Maroc, demi-finaliste en 2022, a lui aussi hérité d’un groupe relevé (Brésil, Uruguay, Cap-Vert) pour 2026. Comme le Sénégal, les Lions de l’Atlas sont célébrés pour leurs exploits, mais doivent sans cesse prouver leur légitimité. Cette tendance révèle un biais structurel : les équipes africaines sont admires pour leurs performances, mais rarement considérées comme des favorites naturelles.

Le Sénégal incarne le paradoxe du football africain : plus une équipe réussit, plus on attend d’elle, et plus on lui rappelle ses limites. Le groupe I de la Coupe du Monde 2026 est moins une opportunité qu’un piège, où les Lions devront une fois de plus dépasser les attentes pour simplement exister.

La question reste posée : le Sénégal est-il condamné à être un « géant aux pieds d’argile », parce qu’il vient d’Afrique ? Tant que le football mondial continuera à célébrer les exploits africains comme des exceptions, plutôt que comme le fruit d’un travail constant, la réponse restera oui. Espérons que 2026 sera l’occasion de briser ce plafond de verre, et de reconnaître enfin que le succès du Sénégal n’est ni un hasard, ni une anomalie, mais le résultat d’un combat acharné contre les inégalités.

Le Sénégal peut-il transformer ce défi en opportunité, ou ce Mondial marquera-t-il la fin d’un cycle pour une génération exceptionnelle ? La réponse dépendra autant des performances sur le terrain que de la capacité du football africain à obtenir une reconnaissance équitable.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Abdou Sarr.
Mis en ligne : 21/12/202
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