Un scandale parmi tant d’autres : L’impunité des puissants au Sénégal - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Justice | Par Eva | Publié le 23/12/2025 08:12:45

Un scandale parmi tant d’autres : L’impunité des puissants au Sénégal

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La libération récente de Serigne Saliou Diagne, inculpé pour association de malfaiteurs et complicité de blanchiment de capitaux dans l’affaire SCI Pharaon, a de quoi interroger. Placé sous mandat de dépôt en septembre 2025, il a été remis en liberté sous contrôle judiciaire début décembre, grâce à une ordonnance qui s’appuie sur des « garanties de représentation » et l’absence de mention de son nom dans le rapport de la CENTIF. Si la décision est légale, elle s’inscrit dans une longue série d’affaires financières où les élites sénégalaises semblent bénéficier d’une clémence judiciaire systématique. Ce cas n’est malheureusement qu’un exemple parmi d’autres de la tolérance du Sénégal envers la criminalité financière, surtout lorsqu’elle touche les cercles du pouvoir.

Depuis des années, le Sénégal est secoué par des scandales financiers impliquant des responsables politiques ou des proches du pouvoir. L’affaire Petro-Tim, classée sans suite malgré des soupçons de corruption impliquant le frère de l’ancien président Macky Sall et des pots-de-vin de plusieurs milliards de dollars, reste emblématique. De même, les affaires de fraude à la Sonatel ou les détournements présumés dans les visas biométriques ont rarement abouti à des condamnations fermes pour les principaux responsables. Dans l’affaire SCI Pharaon, le juge a retenu un « lien objectif » entre Serigne Saliou Diagne et les faits reprochés à sa famille, mais sa libération sous contrôle judiciaire, malgré la gravité des accusations, pose question : pourquoi une telle mansuétude pour les membres des élites, alors que des citoyens ordinaires croupissent en prison pour des délits bien moins graves ?

L’histoire récente du Sénégal regorge d’exemples où des affaires de corruption ou de blanchiment ont été étouffées ou minimisées. L’affaire Petro-Tim, révélée par la BBC, a été classée sans suite par la justice sénégalaise, malgré des preuves accablantes et des procédures judiciaires en cours à l’étranger. Transparency International a d’ailleurs souligné que « la transparence ne viendra pas du Sénégal », mais des pays où les sociétés impliquées sont domiciliées, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis. Cette tendance à classer sans suite ou à libérer sous conditions les personnes impliquées dans des scandales financiers renforce l’idée d’une justice sélective, où l’appartenance à une famille influente ou à une élite économique protège des conséquences de ses actes.

Que ce soit Petro-Tim, la Sonatel ou SCI Pharaon, les principaux acteurs s’en sortent souvent sans conséquences réelles. Les procédures traînent, les enquêtes sont classées, et les condamnations, lorsqu’elles existent, restent symboliques.

Malgré des réformes institutionnelles et la création d’un nouvel Office national de lutte contre la corruption (OFNAC), les résultats concrets peinent à convaincre. Les gouvernements successifs ont échoué à briser le cycle de l’impunité, faute de volonté politique ou par crainte de froisser des intérêts puissants.

Pendant que les élites s’enrichissent, la majorité des Sénégalais subissent la pauvreté et le chômage. Selon l’ANSD, près de la moitié de la population considère la corruption comme un problème majeur, et l’insécurité alimentaire touche près d’un tiers des ménages. Les flux financiers illicites, estimés à des milliards de francs CFA chaque année, privent l’État de ressources essentielles pour les services publics et les investissements sociaux.

Le Sénégal n’est pas le seul pays africain confronté à la corruption et au blanchiment d’argent, mais il se distingue par sa lenteur à réformer en profondeur. Des pays comme le Rwanda, le Botswana ou Maurice ont mis en place des mécanismes plus robustes pour lutter contre ces fléaux, avec des résultats tangibles. Le Sénégal, lui, reste classé parmi les « Acteurs vigilants » en matière de criminalité financière, avec des efforts jugés insuffisants pour intégrer les standards internationaux. Pourtant, des progrès sont possibles : la sortie récente du Sénégal de la liste grise du GAFI montre que des avancées sont réalisables, mais elles restent fragiles et incomplètes.

La libération de Serigne Saliou Diagne est un symbole de plus de l’impunité qui règne au sommet de l’État sénégalais. Tant que les réformes judiciaires et politiques ne seront pas menées avec rigueur et indépendance, le pays restera un terrain fertile pour la criminalité financière. La question reste entière : le Sénégal est-il condamné à rester un paradis pour les blanchisseurs de capitaux et leurs complices ? La réponse dépendra de la capacité des institutions à rompre avec les pratiques du passé et à garantir une justice égale pour tous. En attendant, chaque affaire classée, chaque libération controversée, érode un peu plus la confiance des citoyens dans leur système judiciaire.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : François Sarr.
Mis en ligne : 23/12/202
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