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La décision de la Chambre d’accusation du Pool judiciaire financier (PJF) de maintenir Aliou Sall et son épouse sous contrôle judiciaire, plutôt que de les incarcérer malgré des accusations de blanchiment de capitaux, a de quoi interroger. Alors que le parquet financier réclamait leur emprisonnement, la justice a préféré une mesure plus clémente : une consignation de 240 millions de francs CFA et la liberté. Si la présomption d’innocence doit être respectée, cette affaire soulève une question lancinante : au Sénégal, le blanchiment de capitaux est-il un crime sans réelle conséquence pour ses auteurs, surtout lorsqu’ils appartiennent à l’élite politique ou économique ?
Aliou Sall, frère de l’ex-président Macky Sall, et son épouse sont accusés d’avoir utilisé une société immobilière pour des transactions financières suspectes, selon un rapport de la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF). Les montants en jeu, bien que non précisés dans leur totalité, semblent dérisoires au regard des sommes colossales souvent impliquées dans ce type d’affaires. Pour rappel, la CENTIF a révélé en 2024 que les déclarations d’opérations suspectes (DOS) ont augmenté de 15 % en un an, avec des cas impliquant des milliards de francs CFA, comme l’affaire des 45 milliards liés à un marché d’armements ou celle de l’ex-député Farba Ngom, impliqué dans des transactions suspectes estimées à plus de 125 milliards de francs CFA. Pourtant, dans l’affaire Aliou Sall, la réponse judiciaire reste mesurée, voire timide.
La consignation de 240 millions de francs CFA, bien que symbolique, apparaît dérisoire face à l’ampleur présumée des flux financiers suspects. En comparaison, des affaires similaires dans d’autres pays, comme en France ou aux États-Unis, se soldent souvent par des peines de prison fermes et des confiscations massives d’avoirs. Au Sénégal, le contrôle judiciaire, souvent perçu comme une mesure de complaisance, semble insuffisant pour dissuader de nouvelles infractions. D’autant que la CENTIF elle-même souligne une hausse alarmante des DOS, preuve que le phénomène s’étend et se sophistique.
La consignation de 240 millions de francs CFA, équivalente à la valeur du terrain en cause, ne reflète pas la gravité du blanchiment de capitaux, un délit qui sape l’économie et la moralité publique. À titre d’exemple, l’ex-député Farba Ngom, impliqué dans des transactions bien plus importantes, a été écroué, montrant une disparité de traitement qui interroge.
Cette mesure, souvent utilisée pour les personnalités influentes, permet aux mis en cause de rester libres, sans garantie qu’ils ne réitéreront pas leurs agissements. Dans d’autres juridictions, comme en Europe, les peines pour blanchiment incluent des incarcérations et des amendes proportionnelles aux montants blanchis, avec des mécanismes de traçabilité renforcés.
L’impunité financière, surtout lorsqu’elle touche des figures politiques, érode la confiance dans les institutions et encourage la corruption. Des études montrent que les flux financiers illicites privent les pays en développement de ressources essentielles pour les services publics, aggravant les inégalités et affaiblissant l’État de droit.
En France, le blanchiment de capitaux est passible de peines pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison et des amendes de plusieurs millions d’euros, avec des mécanismes de coopération judiciaire internationale pour traquer les avoirs à l’étranger. Aux États-Unis, les sanctions sont encore plus sévères, avec des confiscations systématiques et des peines lourdes. Au Sénégal, malgré l’adoption de lois plus strictes en 2024, leur application reste inégale, surtout pour les personnalités proches du pouvoir.
L’affaire Aliou Sall illustre une justice à deux vitesses, où les élites bénéficient de mesures clémentes, tandis que les citoyens ordinaires subissent le poids de la loi. Pour restaurer la crédibilité des institutions, il est urgent d’appliquer des sanctions proportionnelles à la gravité des faits et de garantir que nul n’est au-dessus des lois. Sinon, le message envoyé est clair : au Sénégal, le blanchiment de capitaux reste un crime sans conséquence pour ceux qui savent jouer des failles du système.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Eve Sagna.
Mis en ligne : 29/12/2025
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