Port de Dakar : L’automatisation, un progrès sans les travailleurs ? - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Business | Par Eva | Publié le 30/12/2025 08:12:00

Port de Dakar : L’automatisation, un progrès sans les travailleurs ?

Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »

Le projet du môle 4 du port de Dakar, présenté comme une avancée majeure pour la modernisation des infrastructures portuaires sénégalaises, soulève des questions légitimes sur ses conséquences sociales, notamment en matière d’emploi local. Alors que le consortium international Jambaar SA promet une automatisation accrue et une formation continue pour les travailleurs, il est essentiel de s’interroger : cette modernisation se fera-t-elle au détriment des dockers et ouvriers sénégalais ?

Le 9 décembre 2025, le Port autonome de Dakar a signé un contrat de concession de 25 ans avec un consortium européen pour la construction et l’exploitation d’un terminal polyvalent au môle 4, d’un coût de 55,6 milliards de FCFA. Ce projet, baptisé « Jambaar », vise à faire de Dakar un hub logistique régional, grâce à l’automatisation des opérations et à l’amélioration des cadences de manutention. Les promoteurs mettent en avant la création d’emplois qualifiés et le transfert de compétences. Pourtant, l’expérience d’autres ports africains montre que l’automatisation peut aussi entraîner une réduction drastique des emplois peu qualifiés, aggravant ainsi la précarité dans un secteur déjà fragile.

En Afrique, l’automatisation des terminaux portuaires est souvent synonyme de suppression d’emplois traditionnels. Par exemple, l’introduction de grues automatisées et de systèmes de convoyage réduit le besoin en main-d’œuvre pour les tâches répétitives, comme le chargement et le déchargement des navires. Les promesses de formation continue, bien que louables, sont rarement suivies d’effets concrets à grande échelle. Les travailleurs actuels, souvent peu qualifiés, risquent de se retrouver sans emploi, faute de compétences adaptées aux nouvelles technologies.

L’automatisation des ports en Afrique a déjà démontré son impact négatif sur l’emploi. Selon des études, les terminaux automatisés réduisent significativement le besoin en dockers et opérateurs manuels, sans toujours créer suffisamment de postes qualifiés pour compenser ces pertes. Au Sénégal, où le secteur informel représente une part importante de l’emploi portuaire, cette transition pourrait aggraver le chômage et la précarité. Les travailleurs les plus vulnérables, souvent sans filet social, seraient les premiers touchés.

Les partenariats public-privé en Afrique ont fréquemment été critiqués pour leurs promesses non tenues en matière de formation. Bien que le projet Jambaar prévoie des investissements dans la formation continue, l’expérience montre que ces programmes peinent à atteindre les travailleurs les plus précaires. Les centres de formation, lorsqu’ils existent, privilégient souvent les compétences techniques avancées, inaccessibles aux ouvriers non qualifiés. Sans un accompagnement social robuste, ces travailleurs risquent d’être laissés pour compte.

Les retombées économiques des projets portuaires automatisés bénéficient généralement aux acteurs internationaux, tandis que les communautés locales subissent les conséquences sociales. À Abidjan, par exemple, la modernisation du port a entraîné des tensions sociales et des licenciements massifs, sans toujours créer les emplois promis. Le risque est le même à Dakar : l’automatisation pourrait renforcer la dépendance du Sénégal aux technologies et expertises étrangères, au détriment des emplois locaux.

Port d’Abidjan (Côte d’Ivoire) : La privatisation et l’automatisation ont conduit à des conflits sociaux et à une précarisation des dockers, malgré les promesses de création d’emplois.

Port de Tanger Med (Maroc) : Bien que ce port soit souvent cité en exemple pour son succès économique, son modèle repose sur une main-d’œuvre hautement qualifiée, laissant de côté les travailleurs peu formés.

Port de Ndayane (Sénégal) : Ce projet, présenté comme un levier de développement, a mis l’accent sur la formation, mais son impact réel sur l’emploi local reste à prouver, surtout pour les travailleurs les moins qualifiés.

Ces exemples montrent que sans une politique sociale ambitieuse, l’automatisation peut creuser les inégalités et marginaliser les travailleurs les plus fragiles.

La modernisation du port de Dakar est nécessaire, mais elle ne doit pas se faire au détriment des travailleurs locaux. Pour éviter une crise sociale, il est impératif que le projet Jambaar intègre des mesures concrètes :

Un plan de reconversion pour les dockers et ouvriers, avec des formations accessibles et adaptées à leurs besoins. Des garanties sociales pour les travailleurs affectés par l’automatisation, incluant des indemnités et un accompagnement vers de nouveaux emplois. Une transparence totale sur les engagements en matière d’emploi, avec un suivi indépendant pour s’assurer que les promesses sont tenues.

La modernisation du port de Dakar sera-t-elle synonyme de progrès pour tous, ou se fera-t-elle sur le dos des plus vulnérables ? Il est encore temps d’agir pour que ce projet profite réellement au Sénégal et à ses travailleurs.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Pape Bodian.
Mis en ligne : 30/12/202
5

La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.


Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Réagir à cet article

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

0 commentaires

Copyright © 2023 www.notrecontinent.com

To Top