L’aquaculture mondiale est en quête d’alternatives pour réduire l’épuisement des ressources marines. Au Sénégal, des chercheurs placent leurs espoirs dans la mouche soldat noire, dont les larves, riches en protéines, offrent une alternative prometteuse à la farine de poisson.
Pourtant, des obstacles techniques, financiers et sociaux ralentissent cette révolution verte. Comment faire de cette ressource un pilier de la sécurité alimentaire au Sénégal ?
L’augmentation continue de la demande en produits aquacoles impose un bilan critique : notre consommation intensive de farine de poisson est insoutenable pour les écosystèmes marins. La surexploitation des petits poissons pélagiques utilisés pour produire cette farine menace la sécurité alimentaire de millions de personnes en Afrique.
Dans ce contexte, les scientifiques sénégalais mettent en avant une solution ambitieuse et durable : la farine d’insectes, en particulier celle produite à partir des larves de la mouche soldat noire (Hermetia illucens).
Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La production de farine de poisson consomme environ 500 000 tonnes de poisson chaque année, privant ainsi les populations africaines de sources de protéines abordables. À elle seule, l’aquaculture mondiale représente 46 % de la consommation de cette farine, principalement pour nourrir des espèces de poissons carnivores comme le saumon et la truite. Pourtant, des alternatives existent. Les larves de la mouche soldat noire, avec un taux de protéines avoisinant les 45 %, sont de plus en plus reconnues pour leur efficacité en aquaculture.
Au Sénégal, des initiatives comme celles de l’Institut Sénégalais de Recherches Agricoles (ISRA) et de l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD) explorent cette alternative. Des insectariums spécialisés permettent déjà de reproduire la mouche soldat noire, transformant des déchets alimentaires en protéines de haute qualité pour nourrir les poissons d’élevage. Cependant, la recherche a encore du chemin à faire pour franchir la barrière de la production industrielle.
Plusieurs défis persistent. L’industrialisation de la farine d’insectes nécessite des financements conséquents. La société sénégalaise Neofarm, pionnière dans le secteur, a du mal à répondre à la demande faute de ressources suffisantes. Selon ses fondateurs, les investissements publics et privés dans la filière insecte sont quasi inexistants. Ce manque de soutien freine la croissance d’un secteur pourtant prometteur pour l’aquaculture et la réduction des déchets organiques.
La farine d’insectes souffre également d’une acceptabilité sociale limitée. En dépit de ses bienfaits nutritionnels indéniables, beaucoup de Sénégalais restent réticents à l’idée d’adopter un aliment produit à partir d’insectes. Un sondage rapide auprès de différentes catégories sociales montre que l’incompréhension et les préjugés restent forts. Il est crucial de mener des campagnes de sensibilisation pour démystifier ce produit et expliquer ses avantages pour la sécurité alimentaire. Les Sénégalais acceptent de consommer du poisson nourri aux farines végétales ; l’intégration progressive de farine d’insectes devrait donc être possible avec une sensibilisation adéquate.
Face à ces obstacles, les propositions sont claires. D’abord, l’État doit mettre en place des subventions et des incitations fiscales pour les entreprises qui investissent dans la production de farine d’insectes. Ce soutien permettrait de réduire le coût de production et, par conséquent, d’augmenter l’accessibilité de cette farine sur le marché. Un partenariat avec des organismes internationaux pourrait également accélérer l’industrialisation de la filière au Sénégal.
Ensuite, l’intégration de cette farine dans les pratiques agricoles locales pourrait ouvrir de nouvelles opportunités économiques. Les fermiers sénégalais pourraient, par exemple, recycler leurs déchets organiques en partenariat avec les producteurs de farine d’insectes, créant ainsi un cycle vertueux de recyclage.
Enfin, il est impératif de lancer des programmes de formation et de sensibilisation pour familiariser la population avec l’alimentation à base d’insectes. Des chefs cuisiniers, des nutritionnistes et des influenceurs pourraient jouer un rôle clé dans la normalisation de cette alternative.
La farine de mouche soldat noire représente bien plus qu’une alternative à la farine de poisson : elle est un outil de développement durable pour le Sénégal et l’Afrique. Malgré des défis de financement et d’acceptabilité sociale, cette innovation a le potentiel de transformer l’aquaculture africaine et de réduire la pression sur les ressources marines. Les gouvernements, les chercheurs et les citoyens doivent unir leurs efforts pour créer un écosystème propice à l’épanouissement de cette filière.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Rahime Pipita
Mis en ligne : 30/10/2024
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