Moins de deux mois auront suffi à Donald Trump et Elon Musk pour précipiter les États-Unis dans une situation d’isolement international. Selon le quotidien Libération, cette dynamique a paradoxalement renforcé les alliances que Washington pensait affaiblir.
Après l’Europe, qui cherche à réduire sa dépendance vis-à-vis des États-Unis en construisant une défense commune, c’est au tour du Canada de se détacher de son puissant voisin. Ottawa intensifie ses liens avec l’Europe, une stratégie qui s’illustre par la première visite officielle du Premier ministre canadien par intérim, Mark Carney, à Paris pour rencontrer Emmanuel Macron.
Face aux déclarations provocatrices de Donald Trump, qui a répété son ambition de faire du Canada « le 51e État américain », Mark Carney a opposé une réponse ferme dès son premier discours officiel : « Nous ne ferons jamais partie des États-Unis. » Cet ancien banquier central, bien que novice en politique, bénéficie d’un large soutien populaire. Le sentiment nationaliste canadien s’intensifie, se traduisant par des actions concrètes telles que le boycott des produits américains.
Pour le journal Le Devoir, Mark Carney est avant tout « un Premier ministre de guerre… commerciale ». Selon l’éditorial du quotidien québécois, le renforcement des liens économiques avec l’Union européenne est une nécessité pour contrer les politiques protectionnistes de Donald Trump. L’isolationnisme américain, loin d’être passager, s’inscrit dans une stratégie de long terme, souligne le journal.
Le National Post, autre grand quotidien canadien, relaie des critiques acerbes de ses lecteurs à l’encontre de Trump. L’un d’eux compare sa politique à celle de Vladimir Poutine, pointant du doigt « le mépris de la démocratie, de la liberté de la presse et la tolérance envers la corruption oligarchique ». « Poutine envahit l’Ukraine ; Trump, lui, rêve d’acheter le Groenland et d’annexer le Canada », ironise un lecteur.
Ce sentiment de rejet se traduit aussi dans les choix de consommation. Le National Post récemment titrait « Buy Canada. Bye America » (« Achetez canadien, au revoir l’Amérique »), illustrant la volonté des Canadiens de prendre leurs distances avec les produits et l’influence américains.
Sur le plan économique, la rupture avec les États-Unis pose d’importants défis. Dans les colonnes du Guardian, Daniel Béland, professeur de science politique à l’Université McGill à Montréal, souligne l’urgence de diversifier les partenaires commerciaux du Canada. « Plus de 75 % des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis. Il est crucial d’explorer d’autres marchés, notamment en Europe et en Asie, pour préserver l’indépendance économique du pays », affirme-t-il.
L’enjeu arctique ajoute une complexité supplémentaire. Le discours offensif de Donald Trump sur le Canada et le Groenland, couplé au rapprochement entre Washington et Moscou, suscite des préoccupations croissantes sur la souveraineté canadienne dans cette région stratégique.
Enfin, Robert Bothwell, professeur de relations internationales à l’Université de Toronto, estime que Mark Carney a eu raison d’éviter Washington. « Il est inutile de se rendre à la Maison-Blanche, car Trump ne cherche qu’à humilier ses interlocuteurs », affirme-t-il. « Il exige du respect, mais refuse de le rendre en retour. » Une position qui semble résonner avec une opinion publique canadienne déterminée à affirmer son indépendance face aux ambitions expansionnistes du locataire de la Maison-Blanche.
Article écrit par : Jean Lazare Ndiaye.
Mis en ligne : 17/03/2025
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