L’homme le plus riche d’Afrique, Aliko Dangote, ne cesse d’étendre son empire. Selon Bloomberg, il a soumis une demande pour construire à Olokola, dans l’État d’Ogun (Nigeria), « le port maritime le plus grand et le plus profond du Nigeria ». Ce projet pharaonique, centré sur les exportations de gaz naturel liquéfié et les flux logistiques régionaux, pourrait bien devenir un point névralgique pour l’économie de l’Afrique de l’Ouest. Toutefois, derrière cette vitrine de modernité se cachent des enjeux humains et sociaux alarmants, trop souvent ignorés dans l’euphorie de la croissance économique.
Le site d’Olokola est depuis longtemps envisagé comme une zone stratégique, initialement destinée à accueillir la raffinerie et l’usine pétrochimique de Dangote. Un désaccord avec le gouvernement avait contraint l’homme d’affaires à déplacer ces installations vers la périphérie de Lagos. Aujourd’hui, il revient avec une autre ambition : ériger un méga port dans une région côtière qui abrite des communautés locales vulnérables, vivant principalement de la pêche artisanale, de l’agriculture et de la petite activité commerciale.
Le projet de port maritime d’Olokola s’inscrit dans la continuité de la stratégie d’expansion du groupe Dangote, fondée sur la maîtrise de l’amont et de l’aval des chaînes de valeur africaines. L’idée d’un port intégré, connecté aux industries du ciment, du gaz et des engrais, semble prometteuse sur le plan logistique. Mais cette vision industrielle ne doit pas masquer une réalité : le développement de ce genre d’infrastructures se fait souvent au prix de lourds sacrifices humains, notamment le déplacement de communautés, la dégradation de l’environnement et le non-respect des droits fonciers.
Premièrement, aucune information claire ne mentionne la consultation des populations locales. Or, les précédents projets de grande envergure au Nigeria notamment dans les États de Lagos et du Delta ont été marqués par des expropriations abusives, des compensations dérisoires, et des promesses d’emploi jamais tenues. Les habitants d’Olokola sont-ils simplement considérés comme des obstacles au progrès ?
Deuxièmement, l’État nigérian, dans sa collaboration avec des géants industriels, semble reléguer au second plan son rôle de protecteur des droits fondamentaux. La transparence sur l’impact environnemental, les mécanismes de compensation, et les garanties sociales est quasi inexistante. Le port de Dangote risque donc de reproduire les schémas de développement extractif, où les profits sont privatisés, et les coûts humains, externalisés.
Troisièmement, les cas comparables ne manquent pas en Afrique : au Kenya, le projet de port de Lamu a entraîné la perte de terres pour des milliers d’agriculteurs et pêcheurs sans compensation adéquate. En Côte d’Ivoire, l’extension du port d’Abidjan a déplacé de force des quartiers entiers. À chaque fois, les projets vantés comme des symboles de modernisation ont produit de l’exclusion sociale.
Il faut interroger le modèle que symbolise Aliko Dangote : un capitalisme africain qui prospère sans garde-fous démocratiques ni souci pour les plus vulnérables. Oui, les infrastructures sont vitales pour le développement du continent, mais pas au mépris des droits humains. Construire un port, c’est bien. Construire avec les populations, c’est mieux. L’Afrique ne peut pas se contenter de modèles économiques qui sacrifient ses citoyens sur l’autel de la croissance.
Les autorités nigérianes doivent suspendre ce projet tant qu’aucune évaluation sociale indépendante n’est menée. Les ONG, les citoyens, les leaders d’opinion doivent exiger une transparence totale et la pleine implication des communautés locales. Ce port maritime d’Olokola ne doit pas devenir un nouveau symbole de dépossession. Si développement il doit y avoir, qu’il soit équitable, participatif et humain.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Jean Michel.
Mis en ligne : 23/07/2025
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