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L’affaire Arcelor Mittal, révélée par Libération ce lundi, soulève des interrogations majeures sur la gestion des ressources nationales et la transparence des accords conclus avec les multinationales. Le doyen des juges a convoqué trois dignitaires du régime de Macky Sall dans le cadre de l’instruction sur la transaction controversée de 2014. Or, ce dossier illustre plus qu’un simple contentieux : il met en lumière un mécanisme de privatisation déguisée de l’intérêt public au profit d’intérêts privés.
En 2014, un accord transactionnel controversé a été signé entre l’État du Sénégal et Arcelor Mittal, mettant fin à un contentieux judiciaire concernant l’abandon du projet d’exploitation des mines de fer de la Falémé. Selon les informations disponibles, les 150 millions de dollars (environ 100 milliards de francs CFA) versés par la multinationale n’ont jamais transité par les caisses de l’État, mais ont été déposés sur des comptes privés, via des avocats intermédiaires. La Cour d’arbitrage internationale de Paris avait pourtant reconnu en 2013 la responsabilité d’Arcelor Mittal et ouvert la voie à des compensations bien plus importantes jusqu’à 3 300 milliards de francs CFA. Pourtant, contre toute attente, un accord à l’amiable a été conclu dans l’opacité, sous la houlette de hauts responsables sénégalais.
Les promesses initiales étaient immenses : 2,2 milliards de dollars d’investissements, la création de 20 000 emplois, et le développement d’infrastructures majeures (port minéralier, voie ferrée). Mais Arcelor Mittal, invoquant la faible qualité du gisement, a abandonné le projet, laissant derrière lui une région exsangue et un État spolié.
L’affaire Arcelor Mittal s’inscrit dans une logique bien connue en Afrique : celle des multinationales qui, avec la complicité d’élites locales, détournent les ressources naturelles et financières au détriment des populations. Les 100 milliards de francs CFA, censés compenser les manquements du groupe, ont disparu dans des circuits opaques, sans aucun bénéfice pour les Sénégalais. Pire, les représentants de la multinationale, convoqués par la Division des investigations criminelles (DIC), se sont « volatilisés », échappant à toute confrontation judiciaire.
Ce scénario rappelle d’autres affaires similaires sur le continent, où des fonds publics sont détournés avec la complicité de dirigeants et de sociétés étrangères. Au Cameroun, par exemple, des milliards d’euros ont été soustraits des caisses de l’État entre 1998 et 2004, souvent avec l’aide de cabinets juridiques et de banques internationales. En République démocratique du Congo, en Angola, ou encore en Guinée, des multinationales comme Total, Glencore ou Bolloré ont été épinglées pour des pratiques de corruption et de détournement. Ces cas montrent une tendance lourde : l’impunité des grands groupes et la faiblesse des contre-pouvoirs locaux.
Les fonds détournés auraient pu financer des écoles, des hôpitaux, ou des infrastructures essentielles. À la place, ils ont enrichi une poignée d’individus, affaiblissant encore la confiance des citoyens dans leurs institutions. La région de la Falémé, l’une des plus pauvres du Sénégal, attend toujours les emplois et le développement promis. L’abandon du projet a plongé des milliers de familles dans la précarité, sans aucune perspective de relance économique. Malgré l’ouverture d’une information judiciaire, les vrais responsables tant du côté de l’État que de la multinationale restent intouchables. Les trois dignitaires convoqués ne le sont qu’à titre de témoins, pas de mis en cause.
L’affaire Arcelor Mittal est un symbole de la gouvernance sénégalaise : des accords opaques, une justice sélective, et des élites plus préoccupées par leurs intérêts que par le bien commun. Pour rompre avec ce système, il faut exiger : La transparence totale sur la destination des 100 milliards de francs CFA. Des poursuites effectives contre tous les responsables, sans distinction de statut. Une refonte des contrats miniers et énergétiques, pour garantir que les ressources profitent réellement au peuple.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Pathé Ndiaye.
Mis en ligne : 25/08/2025
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