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Une récente réunion préparatoire du comité régional de développement de Thiès a rappelé les enjeux du Gamou international de Ndiassane, prévu le 12 septembre 2025. Les autorités et les représentants du khalife ont insisté sur la nécessité de préserver le caractère sacré de cet événement, mettant en garde contre les « comportements inappropriés » et l’« aspect folklorique » qui menacent sa vocation première.
Pourtant, malgré ces appels répétés, force est de constater que le Gamou, comme bien d’autres grands rassemblements religieux, glisse progressivement vers une dimension festive et commerciale, au détriment de sa profondeur spirituelle. Ce constat, loin d’être nouveau, interroge : comment un moment de recueillement et de prières peut-il se transformer en un spectacle médiatisé, où la dévotion le dispute à la consommation et au divertissement ?
Le Gamou de Ndiassane est l’un des plus grands pèlerinages musulmans du Sénégal, célébrant la naissance du Prophète. Chaque année, des milliers de fidèles s’y rendent pour prier, se recueillir et renforcer leur foi. Pourtant, depuis plusieurs années, l’événement attire aussi des commerçants, des touristes et des organisateurs de festivités, transformant la cité religieuse en un lieu où se mêlent spiritualité et business.
Les doléances récurrentes des guides religieux, comme celles exprimées par Serigne Khalifa Abdallah Kounta, montrent que le message de modération et de recueillement peine à être entendu. Les appels à éviter les excès sont répétés, année après année, preuve que la dérive est bien réelle.
La médiatisation croissante du Gamou a contribué à en faire un « produit » touristique et commercial. Les « soirées mondaines » et autres festivités ostentatoires illustrent cette tendance : l’événement devient un prétexte pour des célébrations éloignées des valeurs religieuses. Les autorités locales, en se concentrant sur la logistique (sécurité, approvisionnement, coordination frontalière), participent involontairement à cette dérive. Leur priorité semble être l’organisation matérielle, au détriment de l’accompagnement spirituel des pèlerins.
Par ailleurs, le Gamou n’est pas un cas isolé. Dans le monde, de nombreux grands rassemblements religieux, comme le Kumbh Mela en Inde ou le Hajj en Arabie Saoudite, ont dû faire face à des défis similaires : comment concilier l’afflux massif de visiteurs avec le respect du sacré ? La commercialisation excessive, la saturation des infrastructures et la perte de sens spirituel sont des risques partagés par ces événements, où la dimension festive finit souvent par éclipser la dévotion.
Des appels répétés, mais peu suivis d’effets : chaque année, les guides religieux rappellent que le Gamou est un moment de prière, pas de fête. Pourtant, les comportements inappropriés persistent, preuve que le message ne passe pas. Un événement de plus en plus médiatisé : la couverture médiatique et l’afflux de visiteurs transforment le Gamou en un spectacle, où la ferveur religieuse se noie dans le bruit et l’agitation. Les pèlerins subissent des conditions difficiles (routes dégradées, manque d’eau, bousculades), tandis que certains profitent de l’occasion pour organiser des festivités démesurées.
Une logistique qui éclipse le spirituel : les réunions préparatoires se concentrent sur la sécurité, l’approvisionnement et les infrastructures, mais peu sur la préservation de l’essence même du Gamou. Les projets de développement (centres commerciaux, salles de conférence) visent à accueillir toujours plus de monde, mais risquent de détourner l’événement de sa vocation première.
Le Gamou de Ndiassane est à un carrefour. Soit il continue de s’inscrire dans une logique de spectacle et de commerce, au risque de perdre son âme. Soit il retrouve sa dimension spirituelle, en limitant les dérives festives et en recentrant l’attention sur la prière et le recueillement. Les autorités, les guides religieux et les fidèles doivent ensemble prendre une position claire : le Gamou ne peut être à la fois un pèlerinage et une foire. Il est temps de choisir.
La spiritualité ne se décrète pas, elle se vit. Pour que le Gamou reste un moment de grâce, il faut avoir le courage de dire non aux excès, de limiter la médiatisation et de rappeler, par l’exemple, que la dévotion prime sur le divertissement. Sinon, demain, il ne restera du Gamou qu’un lointain souvenir de ce qu’il fut : un rendez-vous sacré, et non un simple événement mondialisé.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mamadou Sylla.
Mis en ligne : 29/08/2025
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