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La tribune récente de Saly Sarr, championne d’Afrique de triple saut, publiée par Sud Quotidien le 7 septembre 2025, a mis en lumière un scandale silencieux : les athlètes sénégalais qualifiés pour les Championnats du monde d’athlétisme à Tokyo s’apprêtent à y participer sans aucun soutien institutionnel. Pire, ils doivent assumer seuls les frais de préparation, de voyage et de logement, tout en subissant la pression de résultats internationaux.
Ce cri d’alerte, relayé par d’autres sportifs comme Louis François Mendy et le coach de l’équipe nationale de basketball, révèle un système sportif défailant, voire cynique. Il faut dénoncer cette hypocrisie : on exige des médailles, mais on refuse d’investir dans ceux qui doivent les rapporter.
Le Sénégal envoie quatre athlètes à Tokyo (Saly Sarr, Louis François Mendy, Mamadou Fall Sarr et Amath Faye), qualifiés grâce à leurs performances individuelles, mais abandonnés par leur fédération et leur ministère des Sports. À une semaine du coup d’envoi, aucun financement, aucune logistique, aucune préparation digne de ce nom n’a été organisée. Les athlètes s’entraînent « avec leurs propres moyens », improvisent leurs déplacements, et se battent pour se nourrir et se loger. Pourtant, le pays mise sur eux pour « défendre ses couleurs » et « poursuivre la tradition d’excellence » bâtie par des pionniers comme Amy Mbacké Thiam, médaillée d’or mondiale en 2001.
Le paradoxe est accablant : on célèbre le potentiel des sportifs sénégalais, mais on les laisse se débrouiller. Cette situation n’est pas nouvelle. Louis François Mendy, coach de l’équipe nationale de basketball, avait déjà dénoncé des conditions similaires pour sa sélection. Malgré des médailles remportées aux Jeux africains et aux Championnats d’Afrique, rien ne change. Le Sénégal semble croire que le talent suffit, que la détermination individuelle peut compenser l’absence totale de structure.
Demander à des athlètes de performer sur la scène mondiale sans leur donner les moyens de se préparer, c’est les condamner à l’échec ou, au mieux, à un succès malgré tout, mais à quel prix ?
Les quatre qualifiés pour Tokyo ont dû payer eux-mêmes leurs entraînements, leurs billets d’avion, et même leur nourriture. « Nous n’allons tirer sur personne, mais il faut savoir qu’il n’y a pas eu d’accompagnement pour les athlètes cette année », déclarent-ils. Comment peut-on sérieusement attendre d’eux qu’ils rivalisent avec des concurrents soutenus par des fédérations et des États-majors ?
« On exige l’excellence, mais on refuse l’investissement. » Les athlètes sont sommés de rapporter des médailles, mais on leur retire les outils pour y parvenir. C’est une double peine : non seulement ils manquent de tout, mais on leur reprocherait presque de ne pas gagner.
Ce n’est pas un cas isolé. Au Kenya ou en Éthiopie, les coureurs de fond, pourtant issus de milieux souvent modestes, bénéficient de centres d’entraînement, de sponsors, et de primes incitatives. Résultat : ces pays trustent plus de 70 % des médailles olympiques en marathon et en fond. Au Sénégal, les sportifs sont livrés à eux-mêmes, et les rares qui percent le font en dépit du système, pas grâce à lui.
Pourquoi s’investir dans un sport qui ne vous soutient pas ? Beaucoup abandonnent, ou partent représenter d’autres pays, attirés par de meilleures conditions. Sans perspectives, les athlètes sénégalais les plus prometteurs pourraient être tentés de changer de nationalité sportive, comme l’ont fait d’autres Africains avant eux.
À force de négliger ses champions, le Sénégal risque de perdre sa place parmi les nations sportives respectées en Afrique. Les succès individuels (comme celui de Mbagnick Ndiaye, médaillé d’or à l’African Open) ne suffiront pas à masquer l’échec collectif.
Au Kenya ou en Éthiopie, le sport est considéré comme un levier de développement. Des académies, des partenariats publics-privés, et des programmes de financement existent pour accompagner les athlètes dès leur plus jeune âge (sportanddev.org). Même des pays comme le Burkina Faso innovent en cherchant des financements alternatifs pour leur sport (sportnewsafrica.com). Pendant ce temps, le Sénégal semble se contenter de discours et de cérémonies, sans jamais passer à l’action.
Il ne s’agit pas seulement de sauver les Championnats du monde 2025, mais de réformer en profondeur la gestion du sport au Sénégal :
Où passent les budgets alloués au ministère des Sports et à la Fédération ? Qui est responsable de cette gabegie ? Il est encore temps d’éviter l’humiliation. Les autorités doivent débloquer des fonds immédiatement pour permettre à nos athlètes de partir dans la dignité. Créer des centres d’entraînement, attirer des sponsors, et garantir des primes décentes. Sinon, le Sénégal continuera à gaspiller son potentiel et à pleurer ses médailles perdues.
La question n’est pas seulement sportive, mais morale et politique. Un pays qui ne soutient pas ses athlètes est un pays qui renonce à son avenir. Saly Sarr, Louis François Mendy et les autres ne demandent pas l’aumône : ils réclament le minimum pour représenter leur pays avec honneur.
Le message est clair : soit le Sénégal décide enfin d’investir dans son sport, soit il assume de voir ses talents partir ou s’éteindre. Le choix est entre l’excellence et l’indifférence. À Tokyo, le monde regardera.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Daouda Ba.
Mis en ligne : 11/09/2025
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