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Lundi dernier, un ingénieur en BTP de 63 ans, M. Mendy, comparaissait devant le tribunal des flagrants délits de Dakar pour avoir escroqué un particulier de 81 millions de francs CFA en vendant sept parcelles à Sangalkam, grâce à des documents falsifiés portant la signature et le cachet de l’ancien maire, Oumar Guèye. Si l’accusé reconnaît avoir perçu 21 millions, il rejette toute responsabilité dans la falsification, affirmant avoir reçu les délibérations de la famille Seck.
Cette affaire, loin d’être isolée, illustre un système où les fraudes foncières prospèrent grâce à la protection de réseaux influents et à l’inaction des institutions. Au Sénégal, les escroqueries foncières ne sont pas seulement le fait de fraudeurs isolés, mais bien le symptôme d’une collusion entre pouvoirs locaux, familles influentes et acteurs mafieux.
Le foncier sénégalais est depuis des années un foyer de tensions et de conflits. Ces chiffres reflètent une crise profonde, alimentée par la spéculation, la corruption et l’instrumentalisation du droit par des acteurs puissants. À Sangalkam, comme ailleurs, les terrains sont devenus une monnaie d’échange entre promoteurs, élus et familles influentes, au détriment des citoyens. L’ancien maire Oumar Guèye est régulièrement cité dans des affaires de spéculation foncière. Il aurait utilisé sa position pour favoriser des lotissements et des ventes de terrains, parfois au mépris des droits des propriétaires légitimes. Son nom, invoqué dans l’affaire Mendy, n’est pas anodin : il symbolise l’impunité dont bénéficient ceux qui tirent les ficelles de ces trafics.
Dans l’affaire Mendy, deux éléments interrogent : d’abord, l’origine des documents falsifiés. Comment des actes administratifs portant la signature d’un maire peuvent-ils circuler sans vérification ? Ensuite, le rôle de la famille Seck, mentionnée par l’accusé. Cette famille, comme d’autres, est souvent évoquée dans les dossiers d’escroquerie foncière, sans que leur responsabilité ne soit jamais clairement établie. Pire, les sanctions restent rares et peu dissuasives. Lorsqu’elles interviennent, elles visent surtout les exécutants, jamais les commanditaires.
L’exemple d’Habib Niang, ancien chef du cadastre de Guédiawaye, incarcéré pour avoir fabriqué des documents attestant la vente de terrains imaginaires, est révélateur. Son cas montre comment des agents de l’État peuvent être complices de ces fraudes, exploitant les failles du registre foncier avec une « précision inquiétante ». Pourtant, les peines prononcées, souvent légères, ne suffisent pas à briser ces réseaux.
Les promoteurs et les élus impliqués, eux, continuent d’agir en toute impunité. À Sangalkam, les conflits fonciers opposent régulièrement des particuliers à des élus ou à des promoteurs proches du pouvoir. Ces méthodes, qui mêlent intimidation et instrumentalisation des procédures administratives, sont monnaie courante. Elles révèlent une justice à deux vitesses : rapide pour les petits fraudeurs, lente et complaisante pour les puissants.
L’implication des élus est un point crucial. Les maires et anciens maires, comme Oumar Guèye, sont souvent au cœur des scandales fonciers. Leur influence leur permet de contourner les règles, de falsifier des documents ou de faire pression sur les victimes. Tant que ces acteurs ne seront pas poursuivis, les fraudes continueront. La complicité des familles influentes est également problématique. Les Seck, comme d’autres familles, servent de paravents aux fraudeurs. Leur nom est régulièrement cité, mais rarement enquêté. Leur rôle dans la fourniture de documents litigieux doit être éclairci.
L’inefficacité des sanctions contribue à la prolifération des fraudes. Les peines prononcées (amendes, emprisonnements avec sursis) ne sont pas à la hauteur des préjudices subis. Sans condamnations exemplaires, le message envoyé est clair : la fraude paie. Enfin, l’absence de transparence dans le cadastre sénégalais permet aux fraudeurs de manipuler les titres de propriété. Une réforme profonde, avec un registre foncier numérique et accessible, est indispensable.
Cette situation n’est pas unique à Sangalkam. Dans d’autres régions, des familles ont porté plainte contre des ventes illégales de terrains. À Dakar, des promoteurs proches du pouvoir ont escroqué des particuliers pour des dizaines de millions, avec des modes opératoires similaires : faux documents, promesses non tenues, et protection politique. Partout, le schéma est le même : des victimes spoliées, des fraudeurs protégés, et une justice qui peine à agir.
L’affaire Mendy n’est que la partie émergée de l’iceberg. Pour en finir avec ces trafics, il faut poursuivre systématiquement les élus et les familles complices, pas seulement les exécutants, réformer en urgence le système foncier avec un cadastre transparent et des contrôles indépendants, et sanctionner lourdement les fraudeurs, y compris les hauts responsables, pour rétablir la confiance dans l’État.
Le Sénégal ne peut plus se permettre de laisser des réseaux mafieux piller ses terres. La justice doit enfin jouer son rôle : protéger les citoyens, pas les puissants. Sans cela, les escroqueries foncières continueront de prospérer, et avec elles, la défiance envers les institutions. Il est temps d’agir, avant que la colère des victimes ne devienne ingérable.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Thierno T. Fall.
Mis en ligne : 12/09/2025
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