Les opinions exprimées dans cet article sont celles d’un contributeur externe. NotreContinent.com est une plateforme qui encourage la libre expression, la diversité des opinions et les débats respectueux, conformément à notre charte éditoriale « Sur NotreContinent.com chacun est invité à publier ses idées »
Trois hommes, sans la moindre qualification médicale, ont exercé pendant des années sous de faux titres dans des cliniques privées et même à l’hôpital Abass Ndao de Dakar. Arrêtés le 22 septembre pour usurpation de fonction, exercice illégal de la médecine et mise en danger d’autrui, leur cas n’est malheureusement pas isolé. Il révèle une faille béante dans notre système de santé, où l’inaction des institutions, hôpitaux, ministère de la Santé, ordres professionnels, permet à des imposteurs de jouer avec la vie des patients.
Cette affaire n’est pas seulement celle de trois fraudeurs, mais celle d’un système qui, par négligence ou complicité passive, a failli à sa mission la plus élémentaire : protéger ceux qui lui font confiance.
L’exercice illégal de la médecine n’est pas un phénomène nouveau au Sénégal. Pourtant, chaque fois qu’un cas éclate, la surprise semble feinte. Comment des individus sans diplôme ont-ils pu opérer, parfois dans des blocs opératoires, sans que personne ne sonne l’alerte plus tôt ? Les signalements existaient, comme le confirme un responsable de l’hôpital Abass Ndao, qui qualifie ces pratiques d’« anciennes ». Pourtant, rien n’a été fait pour y mettre fin avant que la gendarmerie n’intervienne. Ce retard accuse un dysfonctionnement profond : celui d’un système où les contrôles sont soit inexistants, soit bafoués.
Dans un pays où l’accès aux soins reste un privilège pour beaucoup, la confiance dans les établissements de santé est un pilier fragile. Quand cette confiance est trahie, ce sont les plus vulnérables qui paient le prix fort. Les patients, souvent ignorants des qualifications réelles de ceux qui les soignent, se retrouvent à la merci de charlatans. Pire, ces agissements se déroulent parfois sous le nez de professionnels légitimes, qui préfèrent détourner le regard plutôt que de risquer des représailles ou des complications administratives.
L’affaire des faux assistants médicaux pose une question simple : où étaient les vérifications ? Dans la plupart des pays, l’embauche d’un soignant implique une vérification systématique de ses diplômes et de son inscription aux ordres professionnels. Au Sénégal, ces procédures semblent optionnelles. Les hôpitaux publics, sous-financés et sous-staffés, deviennent des passoires où s’infiltrent ceux qui savent profiter des failles. Les cliniques privées, moins régulées, offrent quant à elles un terreau fertile pour les fraudeurs, où l’appât du gain prime sur l’éthique.
Le turn-over élevé du personnel, notamment dans les structures publiques, aggrave le problème. Les nouveaux arrivants héritent de pratiques douteuses sans toujours oser les remettre en cause, par peur ou par résignation. Résultat : des imposteurs s’installent durablement, comme A. Diop, Y. Ndiaye et B. Coly, qui ont pu exercer pendant des années. Leur arrestation n’est pas une victoire du système, mais l’aveu de son échec.
On ne peut écarter l’hypothèse d’une complicité tacite. Dans un environnement où les postes se monnayent et où les réseaux priment sur les compétences, fermer les yeux sur des irrégularités peut devenir une norme. Les ordres professionnels, censés garantir l’intégrité des praticiens, peinent à jouer leur rôle. Leur manque de moyens, ou de volonté, laisse le champ libre aux fraudeurs. Quand les contrôles existent, ils sont souvent superficiels, voire corrompus.
Pire, les dénonciations, comme celle qui a finalement conduit à l’arrestation des trois hommes, restent trop souvent lettres mortes. Combien de signalements ont été ignorés avant que l’affaire n’éclate au grand jour ? La réponse est accablante : assez pour que des vies soient mises en danger.
Au Rwanda, après le génocide, le gouvernement a mis en place un système de vérification biométrique des diplômes pour les professionnels de santé. En Inde, malgré des défis similaires, des plateformes en ligne permettent aux patients de vérifier les certifications de leur médecin en quelques clics. Ces exemples prouvent qu’il est possible de lutter contre la fraude, à condition d’en faire une priorité politique.
En France, l’Ordre des médecins publie une liste publique et mise à jour des praticiens autorisés à exercer. Au Sénégal, une telle transparence ferait pourtant cruellement défaut. Sans elle, les patients naviguent à l’aveugle, et les fraudeurs prospèrent.
La santé n’est pas un luxe, mais un droit. Pourtant, notre système traite la sécurité des patients comme une variable d’ajustement. Voici pourquoi cette affaire doit servir de déclic :
L’absence de sanctions exemplaires : Les peines encourues pour exercice illégal de la médecine sont rarement appliquées avec rigueur. Sans dissuasion forte, les fraudeurs continueront à prendre des risques, sachant que les conséquences seront minimes.
Le manque de transparence : Les patients ont le droit de savoir qui les soigne. Publier les listes des professionnels agréés serait un premier pas vers la confiance retrouvée.
L’urgence d’une autorité indépendante : Les hôpitaux ne peuvent plus être juges et parties. Une instance extérieure, dotée de pouvoirs de contrôle et de sanction, doit être créée pour auditer régulièrement les établissements, publics comme privés.
L’arrestation de ces trois imposteurs ne doit pas servir d’alibi pour clore le dossier. Elle doit marquer le début d’une remise en question profonde de notre système de santé. Les institutions, ministère, hôpitaux, ordres professionnels, ont failli. Leur inaction a permis à des individus sans scrupules de jouer avec des vies humaines.
Il faut exiger des comptes. Les contrôles doivent devenir systématiques, les sanctions exemplaires, et la transparence une règle intangible. Les patients sénégalais méritent mieux que des promesses. Ils méritent un système qui les protège, plutôt qu’un système qui les expose.
L’appel est clair : assez de négligence, place à l’action. La santé n’est pas un secteur où l’on peut se permettre de fermer les yeux. Chaque jour de retard est une vie mise en danger. Agissons, avant qu’il ne soit trop tard.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Samba Diouf.
Mis en ligne : 27/09/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.





