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Le Dr Oumou Kébé Bah, cardiologue, vient de rappeler une réalité alarmante : au Sénégal, la combinaison de la malbouffe, de l’excès de sel et de la sédentarité alimente une « épidémie silencieuse » de maladies cardiovasculaires. Selon elle, ces pathologies, responsables de 22 % des maladies non transmissibles dans le pays, progressent à bas bruit, frappant de plus en plus tôt et emportant des adultes en pleine force de l’âge. L’hypertension, première cause de ces décès, est favorisée par une consommation de sel dix fois supérieure aux recommandations internationales (36 g/jour contre 3,5 g conseillés). Pire, sur dix patients hypertendus, sept ignorent leur état, et parmi les trois informés, un seul suit un traitement adéquat. La malbouffe, dès l’enfance, et le stress chronique aggravent encore la situation.
Face à ce constat, la spécialiste insiste sur l’urgence de la prévention : alimentation équilibrée, activité physique, arrêt du tabac, et dépistage systématique. Pourtant, son appel, comme ceux de ses prédécesseurs, semble tomber dans l’oreille d’un sourd. Depuis des décennies, les cardiologues sénégalais tirent la sonnette d’alarme. Leurs alertes répétées, leurs diagnostics précis et leurs propositions concrètes restent trop souvent ignorés par les pouvoirs publics, les médias et la société civile.
Dès les années 1960, le Pr Papa Koité, pionnier de la cardiologie sénégalaise, avait pressenti l’explosion des maladies cardiovasculaires. À l’époque, ces pathologies étaient considérées comme rares en Afrique, reléguées derrière les maladies infectieusesseneweb.com. Aujourd’hui, les chiffres sont sans appel : les maladies cardiovasculaires tuent deux Sénégalais sur dix chaque année, et l’hypertension touche près de 30 % des adultes mais seuls 17 % des patients sont sous traitement. Malgré cette épidémie annoncée, les plans nationaux peinent à se concrétiser. Les campagnes de sensibilisation sont rares, les médicaments souvent indisponibles, et les directives de prise en charge restent lettre morte.
Les cardiologues, bien que de plus en plus nombreux, sont confrontés à un système de santé à deux vitesses : les soins spécialisés se concentrent dans des cliniques privées, inaccessibles à la majorité de la population, tandis que les hôpitaux publics, sous-équipés, ne peuvent absorber la demandeseneplus.com. Résultat : les infarctus et AVC frappent désormais des adultes dès la trentaine, privant des familles de leurs piliers économiques et sociaux.
La formation des médecins est elle-même en cause. Bien que le Sénégal dispose d’une école de cardiologie reconnue, la prévention n’y est pas suffisamment intégrée. Les futurs praticiens sont formés à soigner, mais trop peu à éduquer les populations sur les risques cardiovasculaires. Pourtant, des initiatives comme « Better Hearts Better Cities », lancée en 2017 à Dakar, ont prouvé que des actions ciblées pouvaient réduire le fardeau de l’hypertension. Pourquoi ne pas les généraliser?
L’absence de plan national efficace est flagrante. Malgré l’existence de stratégies depuis 2014, leur mise en œuvre reste lente et fragmentée. Les promesses de renforcement de la couverture sanitaire universelle et d’intégration des maladies non transmissibles dans les soins primaires tardent à se matérialiser. Pendant ce temps, les industriels continuent de promouvoir des produits ultra-transformés, et les médias relaient peu l’urgence cardiovasculaire.
Les maladies cardiovasculaires se traitent principalement dans des cliniques privées, hors de portée des familles modestes. Les hôpitaux publics, saturés, ne peuvent offrir un suivi adéquat. Certaines régions, comme Kolda et Tambacounda, sont encore dépourvues de cardiologues, faute de volontaires pour y exercer. Les cardiologues réclament depuis des années des campagnes de dépistage massives, une régulation de l’industrie agroalimentaire, et une meilleure formation des soignants. En vain.
Des pays comme le Mexique ou le Royaume-Uni ont réduit leur consommation de sel et de sucre grâce à des taxes et des réglementations strictes. Au Sénégal, aucune mesure similaire n’a été prise, malgré des recommandations internationales claires. Pendant ce temps, les maladies cardiovasculaires continuent de progresser, faute de volonté politique et de mobilisation collective.
Les cardiologues sénégalais ne demandent pas l’impossible : des campagnes de sensibilisation, un meilleur accès aux médicaments, et une formation médicale recentrée sur la prévention. Pourtant, leurs voix se noient dans l’indifférence. Comme le rappelle le Dr Kébé Bah : « Le combat doit se mener dès aujourd’hui. » Combien de vies faut-il encore sacrifier avant que le gouvernement, les médias et la société civile ne déclenchent une mobilisation générale ?
La réponse à cette question déterminera l’avenir sanitaire du Sénégal. L’heure n’est plus aux constats, mais à l’action. Les médecins ont parlé. À qui le tour ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mansour Gaye.
Mis en ligne : 03/10/2025
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