Téléphone à l'école : L'interdiction, une fausse bonne idée ? - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Education | Par Eva | Publié le 04/10/2025 09:10:15

Téléphone à l'école : L'interdiction, une fausse bonne idée ?

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Le ministre de l’Éducation nationale, Moustapha Guirassy, a récemment tenté de clarifier sa position sur l’usage du téléphone portable à l’école, après l’annonce d’une « interdiction stricte » qui a suscité un tollé. Désormais, il ne s’agirait plus d’une interdiction, mais d’une « régulation ». Ce rétropédalage, intervenu en marge d’une cérémonie promouvant l’intégration de l’intelligence artificielle et des outils numériques dans les curricula, révèle une incohérence troublante.

Comment comprendre qu’un ministère qui vante les vertus du numérique diabolise en même temps le téléphone portable, outil du quotidien des élèves ? Derrière ce discours ambigu se cache une politique éducative à la fois contradictoire et déconnectée des réalités.

Depuis des années, le débat sur la place du téléphone portable à l’école agite la communauté éducative. Certains pays, comme la France, ont opté pour une interdiction partielle, tandis que d’autres, comme la Finlande, misent sur l’éducation aux médias et l’accompagnement des élèves. Au Sénégal, le ministère de l’Éducation nationale semble tiraillé entre deux visions : d’un côté, il distribue des ordinateurs et forme les enseignants à l’IA ; de l’autre, il stigmatise le téléphone portable, présenté tantôt comme un danger, tantôt comme un outil pédagogique à « apprivoiser ». Cette schizophrénie numérique interroge : comment concilier l’intégration du numérique et la méfiance envers l’un de ses outils les plus accessibles ?

Dans son communiqué du 21 septembre, le ministère annonçait une « interdiction stricte » du téléphone dans les écoles, collèges et lycées. Quelques jours plus tard, Moustapha Guirassy rectifiait le tir : il ne s’agirait que d’une « régulation ». Cette volte-face révèle un manque de clarté et une absence de consultation des acteurs de terrain. Les syndicats d’enseignants dénoncent une démarche « cavalière et unilatérale », et ils ont raison. Comment réguler sans moyens, sans formation, et sans concertation ?

Le ministre justifie cette mesure par la nécessité de protéger les élèves des « dérives et des addictions ». Pourtant, le téléphone portable est aussi un outil d’apprentissage, de recherche et de création, comme il le reconnaît lui-même. Alors, pourquoi cette diabolisation ? La réponse semble plus politique que pédagogique : il s’agit de montrer que l’on agit, quitte à le faire de manière contradictoire.

Réguler l’usage du téléphone suppose des ressources humaines et techniques. Qui sera chargé de faire respecter cette mesure ? Les enseignants, déjà submergés, devront-ils jouer les policiers ? Sans moyens concrets, cette « régulation » risque de se transformer en une interdiction de principe, contournée par les élèves et difficile à appliquer.

Le ministère promeut l’IA et les outils numériques, mais rejette le téléphone portable, pourtant accessible à tous les élèves. Cette incohérence envoie un message confus : le numérique est bon quand il est contrôlé par l’institution, mais dangereux quand il est entre les mains des élèves. Une telle approche ignore les réalités sociales : pour de nombreux jeunes, le téléphone est le seul accès au numérique.

Vouloir faire de l’école un « sanctuaire » coupé du monde est une illusion. Les élèves vivent dans une société connectée, et l’école doit les préparer à naviguer dans cet environnement, non les en protéger artificiellement. Plutôt que d’interdire, pourquoi ne pas éduquer ? Des pays comme la Finlande ont choisi cette voie, avec des résultats probants.

Interdire ou réguler le téléphone sans proposer d’alternatives creuse les inégalités. Les élèves issus de milieux défavorisés, qui n’ont pas toujours accès à des ordinateurs ou à internet chez eux, seront les premiers pénalisés.

En France, l’interdiction du téléphone portable dans les écoles et collèges, instaurée en 2018, a montré ses limites. Les établissements peinent à faire respecter la mesure, et les élèves contournent facilement les règles. À l’inverse, la Finlande mise sur l’éducation aux médias et l’accompagnement des élèves, avec des résultats bien plus positifs. Plutôt que de copier des modèles inefficaces, le Sénégal ferait mieux de s’inspirer de ces approches pragmatiques.

La position du ministère sur le téléphone portable à l’école est incohérente et contre-productive. Elle révèle une vision passéiste de l’éducation, où la technologie est soit idéalisée (quand elle est contrôlée par l’institution), soit diabolisée (quand elle est entre les mains des élèves). Plutôt que de jouer les schizophrènes numériques, Moustapha Guirassy ferait mieux de proposer une politique éducative ambitieuse, fondée sur la confiance, la formation et l’accompagnement. L’école doit préparer les élèves à vivre dans un monde connecté, non les en protéger. Il faut sortir des annonces tonitruantes et de construire une véritable stratégie numérique, inclusive et réaliste.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Fabrice P.
Mis en ligne : 04/10/2025

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