Un an et demi au pouvoir : La rupture de Sonko encore à prouver - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Eva | Publié le 06/10/2025 03:10:30

Un an et demi au pouvoir : La rupture de Sonko encore à prouver

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Lors du dernier Conseil des ministres, le Premier ministre Ousmane Sonko a une nouvelle fois mis en avant une « démarche de rupture » et annoncé le lancement imminent de grands projets structurants : Grand Transfert d’eau, électrification rurale, identité numérique, ligne ferroviaire Dakar-Tambacounda, renouvellement du parc automobile, coopératives agricoles. Le discours est ambitieux, le ton est volontariste. Pourtant, à y regarder de plus près, cette communication gouvernementale ressemble davantage à une stratégie d’effet d’annonce qu’à une réelle transformation.

Depuis son arrivée au pouvoir en avril 2024, le gouvernement Sonko multiplie les réunions, les plans et les promesses, mais les réalisations concrètes peinent à suivre. Entre les Conseils des ministres à répétition et les attentes déçues des citoyens, le décalage est flagrant.

Nommé Premier ministre en avril 2024, Ousmane Sonko a hérité d’un pays en crise économique, avec un déficit budgétaire important et une dette publique élevée. Fort d’une majorité parlementaire écrasante depuis novembre 2024, son gouvernement dispose des moyens politiques pour agir. Pourtant, près d’un an et demi après sa prise de fonction, les Sénégalais attendent toujours des résultats tangibles. Les Conseils des ministres se succèdent, mais les chantiers annoncés tardent à démarrer. Le Plan de Redressement Économique et Social (PRES), présenté en août 2025, promet de mobiliser des ressources importantes d’ici 2028, principalement via des ressources nationales. Pourtant, l’investissement public a chuté au premier trimestre 2025 par rapport à l’année précédente, et les projets phares restent au stade de l’intention.

Les citoyens, eux, expriment leur lassitude. Sur les réseaux sociaux et dans les médias locaux, beaucoup soulignent le contraste entre les discours et leur quotidien : pénuries d’eau, chômage des jeunes, pouvoir d’achat en berne. « On nous parle de rupture, mais on ne voit rien changer », résume un commerçant de Dakar interrogé par la presse. Les annonces se multiplient, mais les réalisations se font attendre.

Le gouvernement Sonko a fait de la « célérité » et de la « méthodologie efficace » ses mots d’ordre. Pourtant, force est de constater que la machine administrative peine à passer de l’annonce à l’action. Prenons l’exemple de la ligne ferroviaire Dakar-Tambacounda : annoncée comme une priorité, sa construction n’a toujours pas commencé, faute de financement clair et de calendrier précis. Même constat pour l’identité numérique ou le Grand Transfert d’eau : ces projets, bien que présentés comme imminents, n’ont pas encore quitté le stade des études ou des déclarations d’intention.

Plus préoccupant encore, le gouvernement semble privilégier la communication sur l’exécution. Chaque Conseil des ministres donne lieu à des communiqués triomphalistes, mais rares sont les bilans concrets. Le Premier ministre lui-même a reconnu que le plan de redressement économique reposait sur des mesures « en cours d’évaluation ». Autrement dit, les solutions ne sont pas encore trouvées, mais les annonces, elles, sont déjà faites. Cette tendance n’est pas nouvelle. Elle rappelle les méthodes des gouvernements précédents, où les grands projets servaient souvent de vitrine politique sans toujours aboutir. La différence ? Ousmane Sonko avait promis une rupture avec ces pratiques. Or, pour l’instant, la rupture se limite au discours.

Les projets annoncés manquent de détails sur leur financement et leur échéancier. Le Plan de Redressement Économique et Social table sur des ressources nationales, mais comment les mobiliser alors que l’investissement public recule ? Les partenariats internationaux, eux, se font attendre. Résultat : les Sénégalais sont invités à « se serrer la ceinture », tandis que les élites politiques conservent leurs privilèges.

Alors que les besoins immédiats (emploi, santé, éducation) crient leur urgence, le gouvernement mise sur des projets structurants à long terme. Pourtant, ces grands chantiers risquent de bénéficier davantage aux intérêts économiques qu’aux populations locales. La question se pose : ces annonces ne servent-elles pas avant tout à occuper l’espace médiatique, plutôt qu’à répondre aux attentes des citoyens ?

À ce jour, les réalisations concrètes du gouvernement Sonko se comptent sur les doigts d’une main : le lancement de la phase II du projet d’eau potable à Kébémer, la création d’un Conseil national du numérique, et quelques réformes administratives. Rien qui ne justifie l’ampleur des promesses faites. Pire, certains projets, comme l’exploitation des ressources gazières, accusent déjà des retards.

Les réactions sur le terrain sont sans appel. « On nous parle de grands projets, mais dans nos quartiers, rien ne bouge », témoigne un habitant de Pikine. Ce sentiment d’abandon est renforcé par l’absence de mécanismes de suivi transparent. Les ministres sont sommés de rendre des comptes en Conseil des ministres, mais ces comptes ne sont pas publics. Où sont les indicateurs de suivi ? Où sont les rapports d’avancement accessibles à tous ?

Cette stratégie de communication rappelle celle d’autres pays africains, où les gouvernements multiplient les annonces pour masquer leur incapacité à agir. Partout, le même scénario se répète : des discours ambitieux, des réalisations limitées, et une défiance citoyenne qui grandit. Au Sénégal, le risque est le même : que la « démarche de rupture » ne devienne qu’un slogan creux, et que les attentes légitimes des populations ne se transforment en frustration.

Ousmane Sonko a su conquérir le pouvoir en promettant un Sénégal nouveau. Pourtant, force est de constater que, pour l’instant, son gouvernement excelle davantage dans l’art de l’annonce que dans celui de la réalisation. Les Conseils des ministres se suivent, les communiqués s’accumulent, mais les changements concrets se font attendre.

Si le Premier ministre veut vraiment incarner la rupture qu’il appelle de ses vœux, il devra passer des mots aux actes. Sinon, les Sénégalais risquent de se lasser et la promesse de transformation ne restera qu’un mirage. La crédibilité d’un gouvernement ne se mesure pas au nombre de réunions organisées, mais à l’impact de ses actions sur le quotidien des citoyens. À ce jeu-là, le gouvernement Sonko a encore tout à prouver.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Daouda P.
Mis en ligne : 06/10/2025

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