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La Commission de protection des données personnelles (CDP) du Sénégal a récemment alerté sur les risques liés à l’usage abusif de l’intelligence artificielle (IA), notamment la circulation de vidéos et images truquées mettant en scène des personnalités publiques ou des citoyens sans leur consentement. Ces contenus, qualifiés de manipulateurs et attentatoires à la dignité humaine, menacent la cohésion sociale et la réputation des individus.
Mais plutôt que de voir dans l’IA une menace inéluctable, voyons-y une opportunité historique : celle de faire de cette technologie un levier de créativité, d’éducation et de progrès social, à condition de l’encadrer avec intelligence et responsabilité.
L’IA bouleverse déjà notre quotidien, en Afrique comme ailleurs. Au Sénégal, elle transforme la santé (avec des applications comme Weerwi pour la santé reproductive des jeunes filles), l’éducation (grâce à des outils d’apprentissage des langues adaptés aux réalités locales), et même l’agriculture ou les services financiers. Pourtant, son usage non régulé peut aussi servir à désinformer, usurper des identités, ou créer des deep fakes convaincants. La CDP a raison de tirer la sonnette d’alarme, mais son appel à la vigilance doit être entendu comme un plaidoyer pour une IA maîtrisée, et non comme un rejet de l’innovation.
L’enjeu n’est pas de freiner le progrès, mais de le canaliser. En Afrique, où les campagnes de désinformation ont quadruplé depuis 2022, la question n’est plus de savoir si l’IA sera utilisée à mauvais escient, mais comment nous pouvons, collectivement, en faire un outil au service du bien commun.
Le communiqué de la CDP ne condamne pas l’IA en elle-même, mais ses dérives. La commission rappelle que la collecte massive de données personnelles, les deep fakes, ou l’usurpation d’identité sont des pratiques illégales et condamnables. Elle appelle à une utilisation éthique, invite les citoyens à la prudence, les créateurs de contenus au respect des valeurs culturelles, et les plateformes à renforcer leurs outils de détection.
Ce positionnement est crucial : la CDP ne dit pas « non » à l’IA, mais « pas n’importe comment ». Elle souligne l’importance d’un cadre légal, d’une éducation aux médias, et d’une collaboration entre régulateurs, entreprises et société civile. Depuis 2008, le Sénégal dispose d’une loi pionnière sur la protection des données, et la CDP travaille activement à moderniser ce cadre pour l’adapter aux défis de l’ère numérique. Son rôle n’est pas d’étouffer l’innovation, mais de garantir qu’elle respecte les droits fondamentaux et serve l’intérêt général.
L’IA au service du développement :
Santé : Des projets comme ceux de l’Institut Pasteur de Dakar utilisent l’IA pour améliorer la surveillance des épidémies et sauver des vies. Éducation : Des applications comme Karibu aident les enseignants et élèves à surmonter les barrières linguistiques, en adaptant les contenus aux langues locales. Art et culture : L’IA permet de valoriser les langues africaines, de créer des œuvres artistiques inédites, ou de préserver le patrimoine culturel. Journalisme : Des initiatives comme Africa Check ou la PAFF (Plateforme africaine de fact-checking) utilisent l’IA pour lutter contre la désinformation et restaurer la confiance dans l’information.
Pour éviter les abus, il faut former les citoyens, les journalistes, les enseignants et les décideurs. L’UNESCO et le REFEMI (Réseau francophone d’éducation aux médias) proposent des cadres pour intégrer l’éthique de l’IA dans les programmes scolaires et les formations professionnelles. Au Sénégal, des séminaires et guides pour les décideurs politiques sont déjà en place pour sensibiliser aux enjeux de l’IA.
Des pays comme Maurice, l’Égypte ou l’Afrique du Sud ont adopté des « Startup Acts » pour soutenir les jeunes pousses technologiques tout en protégeant les données personnelles. Le Sénégal, avec sa stratégie nationale IA alignée sur le Plan Sénégal Émergent, montre que régulation et innovation peuvent aller de pair. La CDP, en collaborant avec les acteurs internationaux et en modernisant les lois, joue un rôle central dans cet équilibre.
L’IA peut aussi être son propre antidote. Des algorithmes comme Deepware Scanner ou FakeCatcher détectent les deep fakes avec une précision pouvant atteindre 96 %, tandis que des plateformes collaboratives permettent aux citoyens de signaler les contenus trompeurs. Ces solutions existent : il faut les généraliser et les rendre accessibles.
En Europe, le RGPD (Règlement général sur la protection des données) et le Digital Services Act imposent aux plateformes de lutter contre les contenus nuisibles, tout en encadrant l’usage des données. En Afrique, des pays comme le Rwanda ou le Kenya misent sur des hubs technologiques et des partenariats public-privé pour faire de l’IA un moteur de croissance inclusive. Ces modèles prouvent qu’il est possible de concilier protection des droits et innovation.
L’IA n’est pas une fatalité, mais un choix. Un choix que le Sénégal est en mesure de faire avec audace et responsabilité. Grâce à une CDP proactive, une société civile mobilisée, et une jeunesse créative, le pays a tous les atouts pour devenir un modèle régional d’IA éthique et inclusive.
La vigilance appelée par la CDP n’est pas un frein, mais une condition du progrès. Elle nous rappelle que la technologie doit servir l’humain, et non l’inverse. À nous de saisir cette opportunité pour construire un avenir où l’IA sera synonyme de créativité, d’éducation et de justice sociale.
L’IA n’est pas une menace si nous en faisons un outil de progrès. Et cela commence par notre engagement à tous : citoyens, entreprises, institutions. Le Sénégal a les moyens de montrer la voie. À nous de jouer.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Mika Diop.
Mis en ligne : 11/10/2025
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