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La course à la présidentielle en Guinée s’annonce comme un spectacle aussi surréaliste qu’inquiétant. Avec 66 candidats en lice, dont un mystérieux « Alpha Condé II », le scrutin du 28 décembre 2025 promet de replonger le pays dans les travers d’un système politique incapable de tourner la page de ses démons. Loins d’incarner une « maturité démocratique », comme l’affirme Djénabou Touré, directrice générale des élections, cette prolifération de prétendants et la résurgence symbolique du nom Condé révèlent une stratégie cynique : le recyclage des élites, la manipulation de l’opinion, et le refus obstiné de rompre avec un passé autoritaire.
Loin d’être un gage de pluralisme, cette élection risque d’être le théâtre d’une mascarade où les mêmes acteurs, sous de nouveaux masques, perpétuent les dynamiques claniques et clientélistes qui ont toujours miné la Guinée.
Alpha Condé, président de 2010 à 2021, a marqué l’histoire récente du pays par son refus de quitter le pouvoir, son troisième mandat controversé obtenu via un référendum constitutionnel en 2020, et une répression sanglante des manifestations qui a fait des dizaines de morts. Renversé par un coup d’État en 2021, il a laissé derrière lui un pays divisé, une opposition fragmentée, et une junte militaire qui, sous couvert de transition, a multiplié les restrictions aux libertés et les manœuvres pour se maintenir au pouvoir. Aujourd’hui, la candidature d’un « Alpha Condé II » dont l’identité réelle reste floue n’est pas un hasard. Elle s’inscrit dans une logique bien connue en Afrique : celle du « retour » des anciens régimes sous une forme ou une autre, pour diviser l’opposition et tester la nostalgie d’une époque où l’autoritarisme se parait des oripeaux de la légitimité électorale.
Qui se cache derrière « Alpha Condé II » ? Un héritier politique, un homonyme opportuniste, ou une création de toutes pièces pour brouiller les pistes ? Peu importe. Ce qui compte, c’est le message envoyé : en Guinée, le passé ne passe pas. La société civile et les analystes ne s’y trompent pas. Pour eux, cette candidature est une provocation, un pied de nez à ceux qui ont lutté contre le troisième mandat de Condé et subi la répression. Elle rappelle aussi les stratégies classiques de division de l’opposition, observées dans d’autres pays africains où des candidats « fantômes » ou des figures du passé sont instrumentalisées pour affaiblir les vrais challengers.
Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), mouvement citoyen qui a mené la résistance contre Condé, a déjà dénoncé les disparitions forcées et les arrestations arbitraires sous la junte. Dans ce contexte, « Alpha Condé II » apparaît comme un leurre, un moyen de détourner l’attention des vrais enjeux : la transparence du scrutin, la liberté de campagne, et la crédibilité des institutions. La junte, qui a suspendu des partis, interdit les manifestations, et muselé les médias, n’a aucun intérêt à ce que cette élection soit libre. Au contraire, plus il y a de candidats, plus le vote est dilué, et plus il est facile de faire passer le candidat souhaité peut-être même le chef de la junte, Mamadi Doumbouya, dont la candidature est de moins en moins un secret.
En Afrique, les transitions politiques sont souvent des leurres. Les anciens dirigeants, ou leurs proches, reviennent sous de nouvelles étiquettes, comme en Côte d’Ivoire ou au Cameroun, où des figures du passé se présentent comme des « nouveautés ». « Alpha Condé II » pourrait bien être un outil pour légitimer, par contraste, la candidature de Doumbouya ou d’un autre protégé du système.
Avec 66 candidats, dont 16 indépendants, l’opposition est atomisée. Les Guinéens, las des promesses non tenues, pourraient se détourner des urnes ou voter par défaut, comme en 2020, quand Condé avait été réélu dans un scrutin boycotté et contesté. La multiplication des candidatures n’est pas un signe de vitalité démocratique, mais une tactique pour empêcher l’émergence d’une alternative crédible.
Comment croire en la sincérité d’un processus où un candidat porte le nom d’un président renversé, alors que son parti, le RPG, a été suspendu par la junte ? La caution électorale, présentée comme un simple « engagement », est en réalité une barrière financière qui avantage les partis établis ou ceux soutenus par le pouvoir.
La junte joue sur les peurs et les divisions. En brandissant le spectre d’un retour de Condé (ou de son double), elle espère rallier ceux qui craignent un chaos post-électoral, tout en discréditant l’opposition. C’est une vieille recette : créer un ennemi pour mieux se poser en sauveur.
La présidentielle guinéenne de 2025 sera-t-elle celle de la rupture ou celle de l’illusion ? Tout porte à croire que ce scrutin, organisé dans l’urgence et sous contrôle militaire, ne fera que reproduire les schémas du passé. « Alpha Condé II » n’est pas un candidat comme les autres : c’est le symbole d’un système politique malade, où les mêmes noms reviennent hanter un peuple assoiffé de changement. Tant que la Guinée ne brisera pas le cycle des élites recyclées et des élections truquées, elle restera prisonnière de son histoire. Aux Guinéens de refuser ce théâtre et d’exiger une vraie alternance ou de risquer de revivre, une fois de plus, les mêmes erreurs.
La vraie question n’est pas de savoir qui gagnera, mais qui décidera vraiment. Et pour l’instant, tous les signes indiquent que ce ne sera pas le peuple.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ibrahima Diop.
Mis en ligne : 16/10/2025
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