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Depuis le 14 octobre 2025, Madagascar vit un tournant historique. Michael Randrianirina, colonel de l’armée malgache, est devenu le nouvel homme fort du pays après la destitution du président Andry Rajoelina, sous la pression d’un soulèvement populaire et d’une mutinerie militaire. Certains y voient un coup d’État. Mais à quoi bon s’attarder sur les mots, quand l’essentiel est là : un peuple debout, une jeunesse déterminée, et l’espoir d’un changement réel après des années de gabegie et d’immobilisme ? Ce qui compte, c’est la rupture avec un système qui a échoué à améliorer le sort des Malgaches. Peu importe la forme, pourvu que le fond suive.
Madagascar étouffe depuis des années sous le poids d’une gouvernance défaillante. En 2025, 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, moins d’un tiers a accès à l’électricité, et les coupures d’eau sont devenues le symbole d’un État en faillite. Depuis fin septembre, la « Gen Z Madagascar » a pris les rues, transformant une colère sociale en révolte politique. Les manifestants, initialement mobilisés contre les délestages, ont vite compris que le problème était plus profond : un régime corrompu, une élite affairiste, et un président en fuite, exfiltré dans des conditions troubles avec l’aide de la France, selon plusieurs sources. La chute de Rajoelina n’est pas une surprise, mais l’aboutissement d’un ras-le-bol généralisé.
Michael Randrianirina n’est pas un inconnu. Ancien gouverneur, critique virulent du régime, il a été emprisonné pour ses prises de position. Son appel aux forces de sécurité pour ne pas tirer sur les manifestants a précipité les événements. Le 14 octobre, face à l’effondrement des institutions, il a annoncé la suspension de la Constitution et la prise du pouvoir, promettant des élections dans 18 à 24 mois et la formation d’un gouvernement civil. La Haute Cour constitutionnelle a entériné cette transition, légitimant ainsi une rupture avec un système à bout de souffle.
Les réactions internationales sont mitigées : l’Union africaine a suspendu Madagascar, les États-Unis et la France appellent au retour à l’ordre constitutionnel. Mais ces positions occultent une réalité : le peuple malgache a déjà tranché. Les scènes de liesse dans les rues d’Antananarivo, les manifestants et les soldats fraternisant, montrent que cette transition est portée par une majorité. Randrianirina lui-même rejette le terme de « coup d’État », préférant parler de « prise de responsabilité » face au chaos.
Contrairement à d’autres putschs en Afrique, cette transition est née d’un mouvement citoyen, amplifié par les réseaux sociaux et porté par une jeunesse connectée et déterminée. Ce n’est pas une junte isolée qui s’empare du pouvoir, mais une armée répondant à une demande sociale massive.
Depuis 2022, Madagascar s’enfonçait dans la crise. Les promesses de Rajoelina n’ont jamais été tenues. La pauvreté, les pénuries, la corruption : le bilan est accablant. Dans ce contexte, la stabilité constitutionnelle était un leurre. À quoi sert une Constitution si elle ne sert pas le peuple ?
Randrianirina a promis un gouvernement civil, des élections, et une consultation nationale. Comparé aux transitions militaires interminables au Mali ou au Burkina Faso, où les juntes s’accrochent au pouvoir, la feuille de route malgache semble plus ouverte.
Les élections passées n’ont rien changé. La démocratie formelle a souvent servi de couverture à des régimes kleptocrates. Quand les urnes ne suffisent plus, d’autres voies doivent être explorées.
Depuis 2020, l’Afrique de l’Ouest a connu une vague de coups d’État, souvent justifiés par la lutte contre le terrorisme ou la corruption. Mais rares sont ceux qui ont conduit à une amélioration tangible. Au Mali, la transition militaire dure depuis cinq ans, sans perspective claire de retour à la normale. À Madagascar, la différence réside dans l’origine populaire du mouvement et la pression constante de la société civile. Si la transition est menée avec transparence, elle pourrait devenir un modèle de rupture pacifique et constructive.
Bien sûr, les défis sont immenses : convaincre la communauté internationale, éviter les sanctions, reconstruire un État digne de ce nom. Mais pour la première fois depuis des années, les Malgaches ont repris leur destin en main. Peu importe que certains parlent de coup d’État. Ce qui compte, c’est que cette transition soit l’occasion de bâtir un Madagascar plus juste, où l’eau coule, où l’électricité fonctionne, où la jeunesse a un avenir.
Le colonel Randrianirina a une responsabilité historique : ne pas trahir l’élan populaire qui l’a porté au pouvoir. Si cette transition conduit à des réformes profondes, à une redistribution des richesses, et à une vraie démocratie, alors oui, elle aura valu le coup. Car à Madagascar, comme ailleurs, le vrai scandale n’est pas la chute d’un président, mais l’échec d’un système à servir son peuple.
La question n’est pas de savoir si c’est un coup d’État. La question est : et maintenant, que fait-on pour Madagascar ?
Article opinion écrit par le créatrice de contenu : Ben Ji.
Mis en ligne : 20/10/2025
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