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L’annonce récente selon laquelle les 27 agences de l’ONU présentes à Dakar devraient bientôt rejoindre la Maison de l’ONU de Diamniadio a relancé le débat sur ce projet pharaonique, inauguré en grande pompe en novembre 2023 par l’ancien président Macky Sall, mais resté inoccupé depuis près de deux ans. Les négociations entre le gouvernement sénégalais et les responsables onusiens, qualifiées de « discrètes » et « en bonne voie », soulèvent des questions légitimes sur la gestion des deniers publics, la pertinence d’un tel investissement, et les priorités réelles du pays dans un contexte économique difficile.
Si les autorités se félicitent d’un accord imminent, il est urgent de s’interroger : ce bâtiment de 14 hectares, coûtant la bagatelle de 175 milliards de FCFA, est-il un atout pour la diplomatie sénégalaise ou un gaspillage de ressources au détriment des besoins essentiels de la population ?
La Maison de l’ONU de Diamniadio, née d’un partenariat public-privé entre l’État du Sénégal et la société Envol Partenariats SN, devait initialement regrouper les agences onusiennes dans un espace moderne, réduisant ainsi les charges locatives et renforçant la visibilité internationale du pays. Pourtant, depuis son inauguration, le bâtiment reste désespérément vide, en raison d’un désaccord persistant sur les conditions financières de sa mise à disposition. Selon les informations rapportées par plusieurs médias, l’État sénégalais s’est engagé à rembourser ce montant colossal sur quinze ans, via un loyer mensuel, dans le cadre d’un accord de location-vente.
Dans un pays où le budget 2025, fixé à 6 395 milliards de FCFA, consacre 34,5 % des dépenses aux secteurs sociaux (santé, éducation, lutte contre les inégalités), l’investissement de 175 milliards de FCFA dans un bâtiment inoccupé interroge. À titre de comparaison, les infrastructures de communication, terrestres et aériennes, bénéficient d’une enveloppe de 600 milliards de FCFA, tandis que les dépenses sociales atteignent 1 885 milliards de FCFA. Pourtant, le Sénégal fait face à un déficit budgétaire de 7,08 % du PIB en 2025, avec pour objectif de le réduire à 3 % d’ici 2027.
Le coût du projet (175 milliards de FCFA) équivaut à près de 3 % du budget national 2025. Une somme qui, investie dans la santé ou l’éducation, aurait pu transformer le quotidien de millions de Sénégalais. Entre 2006 et 2015, l’État a déjà dépensé 69 milliards de FCFA pour la gestion de contrats de location pour les organisations internationales. La Maison de l’ONU était censée mettre fin à ces dépenses, mais le retard pris et les négociations interminables remettent en cause cette promesse.
Pire, les conditions de l’accord initial n’ont jamais été rendues publiques, et les négociations actuelles se déroulent dans l’opacité. Qui assume la responsabilité de ce retard ? Pourquoi un projet aussi « prioritaire » traîne-t-il depuis deux ans ? Les déclarations optimistes des autorités, comme celles de Khar Diouf, secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, contrastent avec l’absence de résultats concrets. À qui profite vraiment ce projet : aux Sénégalais, ou à une élite politique et économique soucieuse de son image internationale ?
175 milliards de FCFA pour un bâtiment vide, alors que les hôpitaux manquent de matériel, les écoles de classes, et les routes d’entretien. Le Sénégal peut-il se permettre un tel luxe ?
Comment un projet aussi ambitieux a-t-il pu être lancé sans accord clair sur les modalités financières ? L’absence de transparence et les négociations secrètes sont inacceptables dans un État de droit.
Ce fiasco illustre les dysfonctionnements de l’administration sénégalaise, où les grands projets sont souvent lancés pour des raisons politiques, sans évaluation rigoureuse de leur utilité réelle.
D’autres pays africains, comme l’Éthiopie avec le siège de l’Union africaine, ont connu des retards et des dépassements de coûts similaires. Mais au Sénégal, la situation est aggravée par l’absence de contreparties claires pour la population.
En Éthiopie, le siège de l’Union africaine, construit avec des fonds chinois, a également été critiqué pour son coût et son manque de retombées locales. Pourtant, contrairement au Sénégal, ce projet a au moins permis à Addis-Abeba de s’imposer comme capitale diplomatique du continent. À Diamniadio, le bâtiment reste vide, et les retombées économiques pour les habitants sont inexistantes. En Côte d’Ivoire, le siège de la Banque africaine de développement a été livré dans les temps et occupe aujourd’hui pleinement ses fonctions. Pourquoi le Sénégal ne parvient-il pas à faire de même ?
La Maison de l’ONU de Diamniadio pourrait devenir un symbole de la diplomatie sénégalaise, mais à quel prix ? Dans un contexte de crise économique et de besoins sociaux criants, un tel gaspillage de deniers publics est inadmissible. Il faut que les autorités clarifient les conditions de cet accord, assument leurs responsabilités, et recentrent les investissements sur les véritables priorités du pays : la santé, l’éducation, et les infrastructures utiles à tous.
Le Sénégal mérite mieux qu’un éléphant blanc. Il mérite une gestion rigoureuse, transparente, et tournée vers l’intérêt général. La fin du suspense autour de la Maison de l’ONU ne doit pas masquer l’urgence d’une remise en question profonde de la gestion des grands projets publics. À quand une vraie priorité donnée aux Sénégalais, plutôt qu’à l’image internationale du pays ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Cheikh Gueye.
Mis en ligne : 16/11/2025
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