Amy Collé Dieng en détresse : Le Sénégal sacrifie ses artistes - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - People | Par Eva | Publié le 09/11/2025 08:11:30

Amy Collé Dieng en détresse : Le Sénégal sacrifie ses artistes

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L’information est tombée comme un coup de massue : Amy Collé Dieng, artiste sénégalaise reconnue, se trouve à Valence, en Espagne, en proie à de graves troubles mentaux, livrée à elle-même, tandis que des appels désespérés à la solidarité circulent sur les réseaux sociaux. Pourtant, où sont l’État sénégalais, les ministères de la Culture, les associations professionnelles, tous ceux qui devraient veiller sur ses ambassadeurs culturels ? Une fois de plus, le Sénégal montre son visage le plus cruel : celui d’un pays prompt à célébrer ses artistes… mais seulement une fois qu’ils sont morts ou brisés. Ce n’est pas un cas isolé, c’est une habitude. Une honte.

Au Sénégal, les artistes sont les fers de lance de la culture nationale. Ils chantent, dansent, peignent, jouent pour faire rayonner le pays bien au-delà de ses frontières. Pourtant, dès que la lumière des projecteurs s’éteint, dès que la santé ou la chance tourne, ils sont abandonnés comme des déchets. Pas de filet social, pas de soutien médical, pas de structure d’urgence. Rien. Juste des discours creux et des hommages posthumes.

Amy Collé Dieng n’est que la dernière victime d’un système qui broie ses talents. Avant elle, combien d’autres ont sombré dans l’oubli, la maladie, la misère ? Moussa Ngom, Oumar Bassoum, Daouda Lelo, Pacotille… la liste est longue, trop longue. Tous ont donné leur vie pour la culture sénégalaise. Tous ont été oubliés de leur vivant, pleurés une fois enterrés. « De leur vivant, ils donnent tout à leur pays, mais, une fois morts, ils sont jetés aux oubliettes », résume amèrement un article d’EnQuêtePlus. Les autorités et les médias s’empressent alors de rappeler leurs « services rendus à la Nation », comme si cela pouvait effacer des années d’abandon.

Et aujourd’hui, c’est au tour d’Amy Collé Dieng de payer le prix de cette indifférence criminelle.

Le ministère de la Culture sénégalais lance bien des appels à projets, des fonds d’aide, des programmes de soutien. Sur le papier, tout est beau. Dans la réalité, ces dispositifs sont souvent inaccessibles, bureaucratiques, ou tout simplement inefficaces. Les artistes doivent se battre seuls, sans sécurité sociale, sans assurance maladie, sans revenu stable. « Les artistes en Afrique ne jouissent pas de droits reconnus, leur travail n’est pas protégé, la sécurité sociale n’est pas organisée », dénonce une étude sur le statut social des artistes sur le continent.

Pire : quand un artiste tombe, c’est à la communauté, aux fans, aux bons samaritains de se mobiliser. Comme si la dignité d’un être humain dépendait de la charité publique. Comme si l’État n’avait aucune responsabilité. Pourtant, le Sénégal dispose de fonds dédiés à la culture, de ministères, d’institutions. Mais à quoi servent-ils, si ce n’est à organiser des cérémonies et à publier des communiqués ?

La réponse est simple : à rien. Ou pire, à entretenir l’illusion d’un soutien qui n’existe pas. Les appels à candidatures pour des subventions sont lancés avec des délais impossibles à respecter, surtout pour des artistes en détresse ou issus de régions éloignées. Les promesses de « rupture » et de « réforme » des politiques culturelles restent lettres mortes. Pendant ce temps, les artistes meurent, physiquement ou psychologiquement, faute de soins, faute d’écoute, faute de considération.

Où est le ministère de la Culture quand Amy Collé Dieng a besoin d’aide ? Où sont les associations professionnelles ? Pourquoi faut-il attendre qu’une artiste soit au bord du gouffre pour que des appels à l’aide soient lancés ? Le Sénégal a des fonds, des lois, des structures. Mais elles ne servent à rien si elles n’agissent pas en urgence, si elles ne protègent pas ceux qui font la fierté du pays.

Le Sénégal excelle dans l’art de pleurer ses artistes… une fois qu’il est trop tard. Les médias, les politiques, les collègues sortent alors leurs plus beaux discours. Mais où étaient-ils avant ? Pourquoi ne pas avoir agi quand il était encore temps ?

Moussa Ngom, Oumar Bassoum, Daouda Lelo, et tant d’autres. Tous sont morts dans l’indifférence générale, laissant derrière eux des familles dans le dénuement. Leurs noms sont cités aujourd’hui comme des symboles de l’échec collectif. Combien de fois faudra-t-il répéter cette tragédie avant que quelque chose change ?

Quand l’État faillit, c’est aux citoyens de pallier ses manquements. Les appels à la solidarité sur les réseaux sociaux sont touchants, mais ils ne devraient pas être la seule solution. Où est la dignité dans tout cela ? Où est la justice ?

En France, en Europe, aux États-Unis, les artistes bénéficient de droits, de protections sociales, de structures d’accompagnement. Quand un artiste est en difficulté, des mécanismes existent pour le soutenir. Au Sénégal, on compte sur la chance, sur la bonne volonté de quelques-uns, sur des hashtags éphémères.

Même en Afrique, certains pays commencent à bouger. Le Bénin, le Nigeria, l’Afrique du Sud développent des politiques culturelles plus protectrices. Le Sénégal, lui, reste figé dans ses vieilles habitudes : célébrer ses artistes quand ils brillent, les oublier quand ils souffrent.

Amy Collé Dieng ne devrait pas avoir à compter sur la charité pour survivre. Elle ne devrait pas être un cas parmi d’autres. Elle mérite, comme tous les artistes sénégalais, un système qui la protège, qui la soigne, qui la respecte.

Mais pour cela, il faudrait que l’État assume ses responsabilités. Qu’il cesse de se cacher derrière des communiqués et des promesses. Qu’il agisse, enfin, pour ceux qui font la richesse culturelle du pays.

La question est simple : faut-il attendre qu’Amy Collé Dieng soit dans un cercueil pour que le Sénégal se réveille ? Ou est-ce que, cette fois, on va enfin briser le cycle de l’abandon et de l’hypocrisie ?

Le choix est entre nos mains. Mais le temps presse. Et la honte, elle, est déjà là.

Combien de vies brisées faudra-t-il encore pour que le Sénégal cesse d’abandonner ses artistes ?

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Eve Sagna.
Mis en ligne : 09/11/2025

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