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Le drame survenu à Birkilane, où un commandant de gendarmerie a échappé de justesse à une tentative d’assassinat perpétrée par un groupe de bergers armés, n’est pas un fait isolé. Il révèle, une fois de plus, l’abandon des zones rurales par les autorités centrales et l’effritement de l’État de droit dès que l’on s’éloigne des grandes villes. Ce qui devait être une simple mission d’interpellation a tourné au cauchemar, illustrant l’urgence d’une remise en question profonde des politiques de sécurité et de justice dans les régions marginalisées du Sénégal. Derrière ce fait divers tragique se cache un constat accablant : l’impunité prospère là où l’État se fait discret, voire absent.
Les conflits entre agriculteurs et éleveurs, souvent violents, ne datent pas d’hier. Ils trouvent leur origine dans des tensions récurrentes autour de l’accès à la terre, exacerbées par l’absence de délimitation claire des zones de pâturage et des champs. À Birkilane, comme ailleurs, ces disputes dégénèrent régulièrement en règlements de comptes sanglants, faute de mécanismes de médiation efficaces et d’une présence étatique suffisante. Pourtant, les solutions existent : médiation, indemnisation, sensibilisation. Mais sur le terrain, rien ne change. Les populations, livrées à elles-mêmes, finissent par prendre la loi en main, faute de confiance dans des institutions jugées lointaines et inefficaces.
L’attaque contre le commandant Ndiaye et son unité n’est que la partie émergée de l’iceberg. Elle révèle plusieurs failles structurelles :
Les zones rurales souffrent d’un manque criant de moyens pour la gendarmerie, d’une absence de tribunaux de proximité et d’un accès limité à la justice. Les populations de Podor, par exemple, doivent parcourir 225 km pour atteindre le tribunal régional le plus proche, un parcours dissuasif pour la plupart des justiciables. Les maisons de justice, censées rapprocher les citoyens des solutions alternatives, restent insuffisantes et sous-financées.
Les conflits agropastoraux, lorsqu’ils sont portés devant la justice, se heurtent à des procédures interminables et à un manque de suivi. Résultat, les communautés préfèrent se faire justice elles-mêmes, alimentant un cycle de violence difficile à briser.
Malgré les annonces de renforcement des effectifs de la gendarmerie, les moyens humains et matériels restent insuffisants pour couvrir l’ensemble du territoire. Les gendarmes, souvent en première ligne, paient le prix fort de cet abandon, comme en témoigne l’agression du commandant Ndiaye.
Le drame de Birkilane n’est pas une fatalité. Il est le symptôme d’un malaise plus profond, celui d’un État qui a renoncé à exercer pleinement sa souveraineté sur l’ensemble de son territoire. Les promesses de réformes et de déploiement de forces supplémentaires se heurtent à une réalité implacable : les budgets alloués à la gendarmerie et à la justice ne suivent pas, les infrastructures manquent, et les populations rurales continuent de se sentir abandonnées. Pire, l’impunité qui entoure ces violences encourage leur répétition. Combien de vies faut-il encore sacrifier avant que l’État ne prenne ses responsabilités ?
La situation au Sénégal n’est pas sans rappeler celle d’autres pays africains, où l’absence de l’État dans les zones rurales a ouvert la voie à l’insécurité et à l’arbitraire. En République démocratique du Congo, par exemple, les milices locales et les groupes armés profitent du vide sécuritaire pour imposer leur loi, avec des conséquences dramatiques pour les populations. Au Burkina Faso, l’accès à la justice est si limité que 96 % des problèmes sont résolus en dehors des institutions judiciaires modernes, souvent par des mécanismes traditionnels ou la force. Ces exemples montrent que sans une présence étatique forte et visible, c’est la loi du plus fort qui prévaut.
L’État sénégalais doit urgemment repenser sa politique de sécurité et de justice en milieu rural. Cela passe par un renforcement des moyens humains et matériels de la gendarmerie, une meilleure couverture judiciaire du territoire, et une volonté politique sans faille de lutter contre l’impunité. Les drames comme celui de Birkilane ne sont pas une fatalité. Ils sont le résultat de choix politiques et budgétaires qui, année après année, sacrifient les campagnes sur l’autel de l’oubli. Il faut agir, avant que l’impunité ne devienne la norme et que la confiance des citoyens dans l’État ne soit définitivement perdue.
La question reste posée : jusqu’à quand le Sénégal acceptera-t-il que ses campagnes soient des zones de non-droit ?
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Papis Badji.
Mis en ligne : 14/11/2025
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