État islamique : L’Afrique, terrain de jeu d’un jihadisme plus fort que jamais - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 29/11/2025 07:11:15

État islamique : L’Afrique, terrain de jeu d’un jihadisme plus fort que jamais

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Un rapport récent des Nations unies confirme ce que les observateurs redoutaient : l’Afrique subsaharienne est désormais l’épicentre de l’activité jihadiste mondiale. En 2024, un tiers des attaques revendiquées par l’État islamique (EI) dans le monde ont eu lieu sur le continent, où près de 10 000 combattants se répartissent en cinq « provinces » autonomes, du Sahel à la Somalie, en passant par le Mozambique et la République démocratique du Congo (RDC).

Pourtant, loin d’être une simple victime, l’Afrique est devenue le terrain d’expérimentation d’un EI en mutation, qui y teste de nouvelles tactiques, y recrute massivement et s’y prépare à exporter sa menace bien au-delà de ses frontières. Loin d’un simple repli après ses défaites en Syrie et en Irak, l’organisation y construit un nouveau modèle de califat décentralisé, plus résilient et plus dangereux. Et si l’Afrique devenait le prochain foyer du terrorisme mondial, avec des conséquences directes pour l’Europe et le Moyen-Orient ?

Après la chute de son « califat » en 2019, l’EI a opéré un virage stratégique : l’Afrique est désormais son principal champ de bataille. Les filiales africaines, plus autonomes que jamais, y mènent des campagnes militaires, y développent une propagande sophistiquée et y attirent des recrues internationales. Au Nigeria, au Sahel, en RDC ou au Mozambique, les groupes locaux, souvent issus de rébellions ou de trafics, ont prêté allégeance à l’EI, bénéficiant en échange d’un savoir-faire logistique, médiatique et financier. En Somalie, la filiale locale, bien que moins active militairement, sert de plateforme logistique et financière pour le réseau mondial. L’EI ne se contente plus de frapper : il gouverne, taxe les populations, forme des enfants-soldats et diffuse une idéologie mortifère, tout en exploitant les failles des États et les conflits communautaires.

Contrairement à ses branches moyen-orientales, les filiales africaines de l’EI jouissent d’une autonomie sans précédent. Selon l’ONU, certaines, comme celle de la RDC (les ADF), ont même reçu des drones et une expertise en fabrication d’explosifs, signe d’une volonté de modernisation et d’adaptation aux terrains locaux. Cette décentralisation n’est pas un signe de faiblesse, mais une stratégie : en s’enracinant dans des zones de non-droit, l’EI se protège des frappes internationales et diversifie ses sources de financement (trafics, rançons, taxes).

L’EI ne crée pas les crises, il les instrumentalise. Au Sahel, il profite de l’effondrement des États et des tensions intercommunautaires pour s’imposer comme un « arbitre » violent. En RDC, les ADF, désormais affiliés à l’EI, transforment l’est du pays en zone de guerre permanente, ciblant civils et lieux de culte. Au Nigeria, l’ISWAP (État islamique en Afrique de l’Ouest) a adapté ses tactiques : drones, engins explosifs improvisés, raids coordonnés une évolution qui rappelle les méthodes les plus meurtrières du groupe en Irak.

Les vidéos de recrutement de l’ISWAP, techniquement irréprochables, mettent en scène des adolescents endoctrinés et des « victoires » militaires. Le message est clair : l’EI prospère en Afrique, et rejoindre ses rangs, c’est rejoindre un mouvement gagnant. Cette propagande vise aussi bien les jeunes Africains désœuvrés que les jihadistes étrangers, invités à faire leur « hijra » (migration) vers le continent.

Les réseaux migratoires et financiers de l’EI en Afrique sont déjà actifs. En Afrique du Sud, des cellules clandestines organisent braquages et enlèvements pour financer le groupe. En Europe, les services de renseignement s’inquiètent : les filiales africaines pourraient servir de base arrière pour des attentats, comme l’a montré la branche afghane de l’EI, responsable de l’attentat de Moscou en mars 2024. La porosité des frontières et la corruption locale facilitent ces liens.

Un vivier de recrues inépuisable : la pauvreté, le chômage des jeunes et l’absence de perspectives alimentent le recrutement. Au lac Tchad, des chefs traditionnels dénoncent l’exode des jeunes vers les groupes armés, faute d’alternatives.

Une menace exportable : les filiales africaines ne se contentent pas de frapper localement. Elles aspirent à devenir des acteurs globaux, comme le montre l’ambition affichée par Abdul Qadir Mumin, présent en Somalie et suspecté de vouloir prendre la tête de l’EI mondial.

L’échec des réponses internationales : malgré les interventions militaires (Barkhane, MINUSMA) et les milliards dépensés, l’EI continue de progresser. Pire, le retrait des forces étrangères (France, ONU) a souvent laissé un vide sécuritaire, exploité par les jihadistes.

Un modèle reproductible : si l’EI parvient à stabiliser ses « provinces » africaines, rien n’empêchera d’autres groupes de reproduire ce schéma ailleurs, en Asie ou en Europe.

La situation rappelle celle de l’Irak et de la Syrie avant 2014 : un territoire fragmenté, des États faibles, une idéologie radicale en expansion. Pourtant, l’Afrique offre à l’EI des avantages supplémentaires : une démographie jeune, des ressources naturelles (or, uranium) et une indifférence relative de la communauté internationale. Alors qu’en Syrie, l’EI a mis des années à s’imposer, en Afrique, sa progression est fulgurante et largement ignorée.

L’Afrique n’est plus seulement une cible de l’État islamique : elle en est devenue le cœur battant. Si rien n’est fait pour endiguer cette expansion par une combinaison de pression militaire, de développement économique et de contre-propagande, le continent pourrait devenir le nouveau foyer du jihadisme mondial, avec des répercussions directes sur la sécurité globale. La question n’est plus de savoir si l’EI peut s’y implanter durablement, mais quand il en fera une base pour frapper ailleurs. Face à cette menace, l’inaction n’est plus une option.

« L’Afrique est aujourd’hui le laboratoire de l’EI de demain. Ignorer cette réalité, c’est préparer les attentats de après-demain. »

Face à ce constat, ne faut-il pas repenser radicalement la lutte antiterroriste, en plaçant l’Afrique au centre des priorités mondiales ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : A. N.
Mis en ligne : 29/10/2025

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