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Un récent article relate le bras de fer public entre le président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousmane Sonko, deux figures emblématiques de l’alternance politique sénégalaise de 2024. Leur désaccord, cristallisé autour de la direction de la coalition « Diomaye Président », révèle une crise de gouvernance qui dépasse le simple conflit de personnes. L’attitude de certains patriotes, trop prompts à laisser l’émotion et le sentiment guider leurs réactions, menace aujourd’hui la stabilité du pays. Le vrai engagement politique exige du discernement, pas du fanatisme.
Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko ont été portés au pouvoir par une jeunesse en quête de rupture avec le système de Macky Sall. Leur victoire, symbolisée par la coalition « Diomaye Président », reposait sur une promesse de changement et de justice sociale. Pourtant, moins de deux ans après leur arrivée au sommet de l’État, les divergences entre les deux hommes s’affichent au grand jour. Le limogeage d’Aïssatou Mbodj, proche de Sonko, par le président Faye, et le rejet immédiat de cette décision par le Pastef, illustrent une fracture profonde. Les deux hommes, autrefois alliés indéfectibles, semblent désormais engagés dans un duel de légitimité, où chacun campe sur ses positions, au mépris de l’intérêt général.
Le problème n’est pas tant le désaccord lui-même que la manière dont il est géré. Ousmane Sonko, lors d’un meeting géant le 8 novembre, a réaffirmé son soutien à Aïssatou Mbodj, affirmant qu’« il n’y aurait pas de changement » à la tête de la coalition. Quelques jours plus tard, le président Faye a officiellement mis fin à ses fonctions, provoquant une réaction immédiate et publique du Pastef, qui conteste la légitimité de cette décision. Ce bras de fer, mené par communiqués interposés, révèle une gouvernance à l’émotion, où la défense des positions personnelles prime sur la recherche de solutions.
Les réseaux sociaux amplifient ce phénomène : les partisans de chaque camp relayent des informations partielles, souvent sans vérification, alimentant la polarisation. Pourtant, comme le souligne le politologue Assane Samb, « chaque collaborateur, chaque ministre, sera obligé de choisir son camp », risquant de paralyser l’action publique. Pire, cette instabilité politique a des conséquences économiques immédiates : les eurobonds sénégalais ont chuté, les investisseurs s’inquiètent, et la confiance dans la capacité du pays à gérer sa dette s’effrite.
Beaucoup de militants du Pastef et de la coalition croient défendre une cause noble en soutenant Sonko contre Faye. Pourtant, leur refus de toute remise en question, leur rejet systématique des compromis, ne font qu’aggraver la crise. Le vrai patriotisme, c’est d’abord la capacité à accepter les désaccords et à les dépasser pour le bien commun.
Les marchés financiers réagissent mal à l’incertitude. La chute des eurobonds, la méfiance des bailleurs de fonds, et les tensions avec le FMI montrent que l’instabilité politique a un coût réel. Les « sacrifices » demandés à la population par Sonko risquent de devenir bien plus lourds si la crise persiste.
L’histoire du Sénégal regorge d’exemples de duos politiques qui se sont déchirés (Senghor/Dia, Wade/Sall). À chaque fois, c’est le pays qui a payé le prix fort. Refuser le dialogue, c’est répéter les erreurs du passé.
Beaucoup de partisans de Sonko semblent plus attachés à l’homme qu’aux valeurs qu’il incarne. Or, servir une cause, ce n’est pas idolâtrer un leader, mais défendre des idées avec lucidité et responsabilité.
En Amérique latine, en Europe, ou même en Afrique, les pays où les dirigeants et leurs partisans privilégient l’affrontement à la négociation finissent par s’enliser dans des crises institutionnelles. Le Brésil de Bolsonaro, l’Espagne de la crise catalane, ou encore la Côte d’Ivoire post-2010, montrent que le refus du compromis mène à l’impasse. Au Sénégal, le risque est le même : une polarisation durable, une économie fragilisée, et une jeunesse désillusionnée.
Le Sénégal mérite mieux qu’un débat réduit à un clash de egos. Les patriotes de bonne foi doivent comprendre que leur rôle n’est pas de suivre aveuglément un homme, mais de veiller à ce que les institutions fonctionnent. Le vrai engagement, c’est exiger de ses dirigeants qu’ils dialoguent, qu’ils fassent primer l’intérêt national sur les querelles personnelles.
La crise entre Faye et Sonko est un test pour la démocratie sénégalaise. Elle révèle aussi les limites d’un patriotisme qui se nourrit d’émotion plutôt que de raison. Pour éviter le pire, il est urgent que chacun dirigeants comme citoyens fasse preuve de discernement. Sinon, ce sont les Sénégalais, et surtout les plus vulnérables, qui paieront la note.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Pape Mbaye.
Mis en ligne : 02/12/2025
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