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Le Programme alimentaire mondial (PAM) a tiré la sonnette d’alarme : en 2026, seulement un tiers des 318 millions de personnes confrontées à une faim critique pourront être aidées, faute de financements suffisants. Un constat accablant, qui soulève une question troublante : l’aide humanitaire, censée sauver des vies, n’est-elle pas devenue un marché lucratif pour certains, au détriment des plus vulnérables ?
Derrière les communiqués dramatiques et les appels aux dons, se cache une réalité moins avouable : celle d’un système où l’urgence se transforme en économie parallèle, où les intermédiaires captent une part croissante des fonds, et où le manque de coordination entre acteurs engendre des gaspillages colossaux. Il faut lever le voile sur les dérives d’un secteur qui, sous couvert de solidarité, fonctionne trop souvent comme une industrie à part entière.
Depuis 2019, le nombre de personnes en situation de faim critique a doublé, passant de 150 à 318 millions en 2026. Les causes sont connues : conflits prolongés, changements climatiques, et instabilité économique. Pourtant, malgré l’urgence, le PAM ne dispose que de la moitié des 13 milliards de dollars nécessaires pour répondre à la crise. Pire, dans des zones comme le Soudan ou Gaza, les famines se multiplient, tandis que les financements s’amenuisent. Mais comment expliquer un tel paradoxe ? Pourquoi, dans un monde aussi riche, l’aide peine-t-elle à atteindre ceux qui en ont le plus besoin ?
La réponse réside en partie dans les mécanismes mêmes de l’aide humanitaire. Ce qui était autrefois une mission de solidarité s’est progressivement mué en un écosystème complexe, où les acteurs sont nombreux, les coûts exorbitants, et les résultats souvent en deçà des promesses.
Le communiqué du PAM met en lumière un problème structurel : le financement de l’aide humanitaire est « dangereusement insuffisant ». Mais cette insuffisance n’est pas seulement due à un manque de générosité. Elle est aussi le résultat d’un système où une partie significative des fonds est absorbée par des coûts logistiques, administratifs, et parfois même par des profits indirects.
Prenons l’exemple du Soudan, où la guerre civile a plongé des millions de personnes dans une insécurité alimentaire aiguë. Selon des rapports internes, jusqu’à 30 % des fonds alloués à l’aide dans les zones de conflit sont engloutis par des frais de sécurité, de transport, ou de coordination entre ONG et agences onusiennes. Les contrats avec des entreprises privées pour la livraison de nourriture, l’hébergement du personnel humanitaire, ou la sécurité des convois, gonflent artificiellement les budgets. Résultat : moins d’argent arrive aux populations, et plus de ressources profitent à des intermédiaires.
Un rapport de l’OCDE publié en 2023 révélait déjà que près de 20 % des budgets humanitaires étaient consacrés à des dépenses indirectes, loin des bénéficiaires finaux. Dans certains cas, ces coûts atteignent des sommets : au Soudan du Sud, le coût logistique pour livrer une tonne de nourriture peut dépasser 2 000 dollars, soit près de dix fois son prix sur les marchés locaux. Une aberration, quand on sait que ces fonds pourraient nourrir des milliers de personnes supplémentaires.
Le manque de coordination entre les acteurs aggrave encore la situation. ONU, ONG internationales, gouvernements locaux : chacun agit souvent en silo, dupliquant les efforts et gaspillant des ressources précieuses. En Haïti, par exemple, des dizaines d’organisations interviennent sans véritable plan commun, entraînant des chevauchements coûteux et une inefficacité chronique.
Les grandes ONG et les entreprises sous-traitantes bénéficient de contrats juteux, financés par les dons publics et privés. Pourtant, leur transparence laisse souvent à désirer. Combien de ces fonds servent réellement à acheter de la nourriture, et combien disparaissent dans les frais de gestion ou les marges bénéficiaires ? La question mérite d’être posée, surtout quand des familles entières survivent avec moins d’un dollar par jour.
Malgré les appels à la transparence, il reste difficile de tracer précisément l’utilisation des fonds. Certains acteurs refusent de publier des audits détaillés, invoquant la « complexité des opérations ». Une opacité qui profite aux intermédiaires, mais pas aux affamés.
L’aide humanitaire est devenue un secteur économique à part entière, attirant des acteurs privés pour qui la crise représente une opportunité. Les sociétés de logistique, les consultants en sécurité, et même certaines ONG, prospèrent grâce à l’urgence. Dans ce contexte, la famine n’est plus seulement une tragédie : elle est aussi une source de revenus.
Pendant ce temps, les initiatives locales coopératives agricoles, stocks communautaires peinent à obtenir des financements. Pourquoi ? Parce qu’elles ne s’inscrivent pas dans le modèle « business » de l’aide internationale, où les gros contrats priment sur les solutions durables.
Cette logique n’est pas sans rappeler d’autres domaines où l’urgence a été transformée en marché. Après le tsunami de 2004 en Asie, des milliards de dollars de dons avaient été détournés ou mal utilisés, avec moins de 40 % des fonds atteignant les victimes. Plus récemment, la gestion de la crise des migrants en Europe a révélé des contrats opaques entre États et entreprises privées, où l’accueil des réfugiés est devenu une industrie.
Comme dans ces cas, l’aide alimentaire semble reproduire les mêmes schémas : des acteurs puissants captent les ressources, tandis que les bénéficiaires finaux en voient à peine la couleur.
La crise alimentaire de 2026 n’est pas une fatalité. Elle est le résultat de choix politiques et économiques, où l’efficacité a souvent cédé le pas à l’opportunisme. Il est urgent de réformer un système où l’aide est devenue un business comme un autre. Cela passe par plus de transparence, une meilleure coordination entre acteurs, et un recentrage sur les solutions locales, moins coûteuses et plus durables.
Le monde ne manque pas de ressources pour nourrir ses habitants. Ce qui manque, c’est la volonté de s’attaquer aux vraies causes de la faim : les conflits non résolus, les inégalités criantes, et un système humanitaire qui, trop souvent, sert d’abord ceux qui le font fonctionner. En 2026, le scandale ne sera pas seulement que 200 millions de personnes soient laissées sans aide. Ce sera aussi que des milliards de dollars auront été dépensés… sans jamais les atteindre.
L’aide humanitaire doit redevenir ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un acte de solidarité, et non un marché.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ame Fall.
Mis en ligne : 05/12/2025
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