Cap-Vert, Maurice et Seychelles : Des exceptions qui cachent l’échec - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Afrique | Par Eva | Publié le 06/12/2025 07:12:15

Cap-Vert, Maurice et Seychelles : Des exceptions qui cachent l’échec

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Le 17 novembre 2025, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a salué une « étape historique » : le Cap-Vert, Maurice et les Seychelles sont devenus les premiers pays d’Afrique subsaharienne à éliminer la rougeole et la rubéole. Cette annonce, présentée comme une avancée majeure vers l’objectif d’éliminer ces maladies dans 80 % des pays africains d’ici 2030, mérite une lecture critique. Derrière ce succès médiatisé se cachent des inégalités criantes et un bilan global bien moins reluisant pour le continent. Ces trois petits États insulaires, stables et prospères, ne reflètent en rien la réalité de la majorité de l’Afrique subsaharienne, où des millions d’enfants restent exposés à des épidémies évitables.

Le Cap-Vert, Maurice et les Seychelles partagent des caractéristiques uniques : des économies relativement solides, des systèmes de santé performants, et une couverture vaccinale quasi universelle (95 % ou plus pour les deux doses). Leur réussite s’explique par des décennies d’investissements ciblés, une surveillance épidémiologique rigoureuse, et une volonté politique constante. À Maurice, par exemple, aucun cas de rougeole n’a été rapporté depuis 2019, et la couverture vaccinale atteint 98 % pour la première dose. Aux Seychelles, la santé gratuite depuis 1977 et un taux d’alphabétisation de 98 % facilitent la sensibilisation de la population.

Pourtant, ces pays restent des exceptions. En 2024, seulement cinq États africains (dont le Rwanda et le Botswana) ont atteint le seuil de 95 % de couverture vaccinale nécessaire pour interrompre la transmission. Dans le même temps, la couverture moyenne pour la première dose de vaccin contre la rougeole et la rubéole en Afrique subsaharienne n’était que de 71 %, et de 55 % pour la seconde dose loin des 95 % recommandés.

L’OMS se félicite d’une progression de la couverture vaccinale (67 % en 2022, 71 % en 2024), mais ces chiffres cachent une réalité alarmante. En 2024, 20,6 millions d’enfants dans le monde n’ont pas reçu leur première dose de vaccin contre la rougeole, et l’Afrique concentre une part importante de ces « enfants zéro dose ». Pire, des pays comme la République démocratique du Congo (RDC) et le Nigeria, où des millions d’enfants ne sont pas vaccinés, continuent de subir des épidémies meurtrières. En RDC, plus de 19 000 cas de rougeole et 638 décès ont été enregistrés en 2024, tandis que le Nigeria comptait 915 cas et 2 décès pour la même période.

Comment expliquer un tel contraste ? Les défis sont multiples : systèmes de santé fragiles, conflits armés, difficultés logistiques, et méfiance croissante envers les vaccins. La pandémie de COVID-19 a aggravé la situation, perturbant les campagnes de vaccination et creusant les inégalités. Au Sénégal, par exemple, une recrudescence de la rougeole en 2024 a touché 41 % du territoire, révélant les failles persistantes dans l’accès aux soins.

L’OMS vise l’élimination de la rougeole dans 80 % des pays africains d’ici 2030. Pourtant, avec une couverture vaccinale moyenne de 71 % et des épidémies récurrentes dans plus de 20 pays, cet objectif semble de plus en plus irréaliste. Les experts soulignent que sans un sursaut majeur financements accrus, renforcement des systèmes de santé, lutte contre la désinformation la rougeole continuera de tuer des milliers d’enfants chaque année.

La situation est d’autant plus préoccupante que la rougeole est en hausse mondiale, avec 10,3 millions de cas estimés en 2023, soit une augmentation de 20 % par rapport à 2022. En Afrique, les épidémies se multiplient, touchant des pays comme l’Éthiopie, la Somalie, et le Nigeria, où des millions d’enfants restent non vaccinés.

La réussite du Cap-Vert, de Maurice et des Seychelles est indéniable, mais elle ne doit pas servir d’écran de fumée. Ces pays sont des îlots de prospérité dans une région où la majorité des États peinent à protéger leurs populations. Plutôt que de célébrer des exceptions, l’OMS et la communauté internationale devraient sonner l’alarme : sans une mobilisation sans précédent, l’Afrique subsaharienne ne parviendra pas à éliminer la rougeole d’ici 2030. La vraie question n’est pas de savoir qui a franchi la ligne d’arrivée, mais comment éviter que des millions d’enfants ne restent sur le bord du chemin.

Ne faudrait-il pas repenser les stratégies de vaccination en Afrique, en mettant l’accent sur l’équité et la résilience des systèmes de santé, plutôt que sur des annonces triomphalistes ?

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ame Gueye.
Mis en ligne : 06/12/2025

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