Justice et équité : Sonko brise le tabou des privilèges occidentaux - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Maimouna | Publié le 16/12/2025 12:12:00

Justice et équité : Sonko brise le tabou des privilèges occidentaux

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Le 28 novembre 2025, le Premier ministre sénégalais Ousmane Sonko a marqué un tournant dans les relations judiciaires internationales en annonçant que le Sénégal appliquerait désormais une stricte réciprocité en matière d’extradition. « Tout pays qui retient un fugitif sénégalais, refusant son extradition, j’en ferai de même », a-t-il déclaré devant l’Assemblée nationale, envoyant un message clair à la communauté internationale, et notamment à la France, qui vient de suspendre la procédure d’extradition du journaliste Madiambal Diagne. Cette prise de position, loin d’être une simple posture, s’inscrit dans une lutte plus large contre les inégalités structurelles qui caractérisent les relations entre l’Afrique et l’Occident.

En exigeant que les mêmes règles s’appliquent à tous, Sonko pose une question fondamentale : comment construire une justice internationale crédible si les puissances occidentales continuent de bénéficier de privilèges systématiques ?

Le cas Madiambal Diagne illustre parfaitement les obstacles rencontrés par les pays africains dans leur quête de coopération judiciaire équitable. Accusé de blanchiment de capitaux, d’escroquerie et d’association de malfaiteurs, le patron de presse a fui le Sénégal en septembre 2025 malgré une interdiction de quitter le territoire. Arrêté en France le 21 octobre, il a bénéficié d’un sursis le 25 novembre, la Cour d’appel de Versailles différant sa décision en réclamant des éclaircissements sur la régularité du mandat d’arrêt sénégalais et les garanties d’un procès équitable au Sénégal. Pourtant, les faits reprochés à Diagne – rétrocommissions sur un marché public de construction d’un palais de justice – sont reconnus comme des infractions graves dans les deux pays. La défense de Diagne, ainsi que des organisations internationales, ont rapidement dénoncé une instrumentalisation politique, tandis que la justice française semble adopter une prudence qui contraste avec la célérité souvent observée pour les demandes d’extradition émanant de pays occidentaux.

Cette situation n’est pas isolée. En Afrique, de nombreux États se heurtent à des délais, des sursis ou des refus d’extradition de la part des pays occidentaux, alors même que ces derniers attendent des pays africains une coopération immédiate et sans réserve. La réciprocité, principe pourtant fondamental du droit international, est rarement appliquée de manière symétrique. Comme le souligne un spécialiste du droit international, « la France peut examiner les demandes d’extradition sur la base du principe de réciprocité, mais dans les faits, les critères sont souvent plus stricts pour les pays africains ».

La position de Sonko s’inscrit dans une dynamique plus large de rééquilibrage des relations internationales. En Afrique, plusieurs pays ont récemment durci leur posture face aux demandes d’extradition unilatérales. Par exemple, l’Afrique du Sud a longtemps lutté pour obtenir l’extradition des frères Gupta, impliqués dans des affaires de corruption sous la présidence de Jacob Zuma, sans succès notable. De même, des États comme l’Algérie ou le Soudan, bien que souvent critiqués pour leur absence de traités d’extradition formels avec la France, invoquent régulièrement le principe de réciprocité pour justifier leur réticence à extrader des ressortissants occidentaux.

Le sursis accordé à Madiambal Diagne par la justice française est perçu par beaucoup comme un outil de pression politique déguisée. En exigeant des garanties supplémentaires, la France place le Sénégal dans une position de subordination, comme si la justice sénégalaise devait prouver sa légitimité là où les systèmes judiciaires occidentaux sont présumés intouchables. Pourtant, comme le rappelle le droit international, l’extradition repose sur la confiance mutuelle et le respect des procédures légales – des principes qui devraient s’appliquer sans distinction de pays.

Les « refuges » européens ou américains pour les personnes accusées de corruption ou de crimes financiers en Afrique sapent les efforts des États africains pour renforcer l’État de droit. En conditionnant la coopération judiciaire à la réciprocité, Sonko envoie un signal fort : le Sénégal ne sera plus complice d’un système qui protège les puissants au détriment de la justice.

La souveraineté n’est pas un concept abstrait. Elle se traduit par le droit de chaque État à voir ses demandes judiciaires traitées avec le même sérieux que celles des pays occidentaux. En refusant de tolérer les « deux poids, deux mesures », Sonko rappelle que la coopération internationale doit reposer sur l’égalité et le respect mutuel.

La réciprocité n’est pas une vengeance, mais un mécanisme de régulation. Elle incite tous les États à appliquer les mêmes standards, réduisant ainsi les risques d’arbitraire et de politisation des procédures judiciaires. Comme le note un rapport de l’ONU, « l’extradition, qu’elle soit fondée sur un traité ou sur le principe de réciprocité, doit reposer sur des critères objectifs et non discriminatoires ».

Les sursis et les délais accordés par les cours européennes créent un précédent dangereux : ils encouragent les fugitifs à chercher refuge en Occident, sachant que les procédures y seront plus longues et plus favorables. En exigeant la réciprocité, Sonko défend aussi le droit des Sénégalais à voir leurs institutions judiciaires respectées.

La comparaison avec d’autres affaires d’extradition est édifiante. Lorsqu’un pays occidental demande l’extradition d’un ressortissant africain, les procédures sont souvent accélérées, les garanties présumées, et les refus rares. À l’inverse, les demandes africaines se heurtent à des obstacles administratifs, politiques ou médiatiques. Par exemple, la France a récemment extradé vers le Maroc des individus recherchés pour terrorisme en quelques semaines, alors que des dossiers comme celui de Diagne traînent en longueur. Cette asymétrie révèle un déséquilibre profond dans les relations judiciaires internationales.

En exigeant la réciprocité, Ousmane Sonko ne fait pas preuve de radicalisme. Il rappelle simplement que la justice internationale ne peut être crédible que si elle est équitable. Le cas Madiambal Diagne doit servir de catalyseur pour une réflexion plus large sur les privilèges occidentaux et la nécessité de réformer les mécanismes de coopération judiciaire. La réciprocité n’est pas une option, mais une obligation pour tous les États qui se réclament de l’État de droit.

La déclaration de Sonko est un appel à l’action : il est temps de briser le tabou des privilèges occidentaux et de construire un système judiciaire international où chaque pays, qu’il soit africain ou européen, est traité avec la même rigueur et le même respect. En cela, le Sénégal, sous son leadership, pourrait bien devenir un modèle pour une Afrique déterminée à défendre sa souveraineté et sa dignité sur la scène mondiale. La balle est désormais dans le camp des pays occidentaux : sauront-ils entendre ce message et accepter de jouer selon les mêmes règles ? La crédibilité de la justice internationale en dépend.

Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Eve Sagna.
Mis en ligne : 16/12/2025

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