Un jeu de pouvoir et de compromis : Politique sénégalaise en 2025 - Notre Continent
> NOTRE CONTINENT > - Politique | Par Maimouna | Publié le 11/01/2025 12:01:15

Un jeu de pouvoir et de compromis : Politique sénégalaise en 2025

La politique sénégalaise, réputée pour sa stabilité relative en Afrique de l’Ouest et son modèle démocratique, n’échappe pas à la règle des compromis et des manœuvres stratégiques qui caractérisent le monde politique. Si les idéaux de justice sociale, de développement économique et de démocratie ont toujours constitué la toile de fond des discours électoraux, la réalité du pouvoir impose une dynamique de négociation, de concessions et d’alliances qui façonne les décisions politiques au quotidien.

Une fois arrivés au pouvoir, les politiciens sénégalais, comme dans de nombreuses autres démocraties, sont souvent contraints de sacrifier une partie de leurs promesses initiales pour maintenir la stabilité de leurs gouvernements et répondre aux exigences de leurs alliés ou des groupes de pression.

Les campagnes électorales sénégalaises sont souvent marquées par des promesses ambitieuses : réformes économiques, lutte contre la pauvreté, amélioration des infrastructures, meilleure gestion des ressources naturelles et surtout, renforcement de la démocratie. Ces idéaux servent à galvaniser l’électorat, à fédérer des soutiens et à incarner un projet de transformation sociale. Cependant, une fois au pouvoir, les dirigeants se heurtent à des réalités complexes. La politique sénégalaise est un terrain de compétition intense où les alliances, souvent pragmatiques et opportunistes, deviennent des clés incontournables de la gouvernance.

Par exemple, lors des dernières élections présidentielles, nous avons assisté à des rapprochements improbables entre des partis idéologiquement opposés, chacun mettant de côté certaines de ses valeurs pour garantir un soutien crucial. Le cas de la coalition « Benno Bokk Yakaar » (BBY), qui regroupe un large éventail de partis politiques, montre comment des idéaux partagés peuvent rapidement se transformer en marchandage de compromis, parfois bien loin des promesses initiales faites aux électeurs. Et quelle est la responsabilité du PASTEF avec le slogan « Juub Jubaal Jubanti » ?

Dans la politique sénégalaise, les alliances sont souvent basées sur des considérations pragmatiques plutôt que sur des affinités idéologiques profondes. L’histoire politique du Sénégal regorge d’exemples où des compromis ont été nécessaires pour maintenir une coalition gouvernementale ou pour garantir une majorité parlementaire. Une illustration frappante de cette dynamique est l’alliance entre le président Macky Sall et l’ex-président Abdoulaye Wade en 2012, au moment où ce dernier, après sa défaite, a offert son soutien à son successeur. Ce type de compromis, bien que nécessaire à court terme pour la stabilité du gouvernement, soulève souvent des critiques, notamment sur le manque de vision commune et l’intérêt personnel qui prime sur les idéaux politiques. Ces alliances sont perçues par beaucoup comme des « mariages de convenance », où la survie politique des acteurs prime sur l’engagement envers des réformes profondes.

De plus, les compromis en politique sénégalaise ne se limitent pas aux alliances entre partis. Ils impliquent également une gestion délicate des relations avec les groupes de pression, qu’ils soient économiques, syndicaux ou communautaires. Les politiciens doivent constamment jongler avec les attentes de ces groupes, qui exercent une pression importante sur les décisions politiques. Par exemple, la gestion du secteur de l’énergie, avec des acteurs comme les multinationales et les syndicats d’employés, montre comment les compromis sont nécessaires pour éviter les conflits et assurer le bon fonctionnement des politiques publiques, même si ces compromis peuvent nuire à l’efficacité des réformes.

Le paradoxe de la politique sénégalaise est que, malgré un environnement démocratique où les valeurs de la justice et de l’équité sont constamment mises en avant, la pratique politique est profondément marquée par le pragmatisme. Les idéaux sur lesquels les politiciens se sont fait élire sont souvent mis à mal une fois au pouvoir. Par exemple, les promesses de transparence et de lutte contre la corruption se heurtent aux réalités du clientélisme politique, un phénomène omniprésent dans le pays.

Le besoin de satisfaire les demandes des partis alliés, des notables locaux ou des groupes d’influence rend souvent difficile l’application stricte de programmes de gouvernance intègres et cohérents. Le cas du ministre sénégalais de l’Intérieur, qui a dû faire face à des pressions pour accorder des faveurs électorales à certaines régions ou à certains groupes, illustre bien ce dilemme : sacrifier certains idéaux pour maintenir l’ordre politique et éviter la fragmentation de la coalition gouvernementale.

Ce paradoxe est particulièrement visible dans la gestion des réformes économiques et sociales. Bien que des programmes comme le Plan Sénégal Émergent (PSE) aient été initiés avec des objectifs ambitieux, leur mise en œuvre a été entravée par des compromis nécessaires à la stabilité politique. Ainsi, des réformes censées bénéficier à toute la population se retrouvent parfois concentrées dans certaines régions ou au profit de groupes déjà privilégiés, exacerbant les inégalités sociales au lieu de les réduire. Cela entraîne une certaine désillusion parmi les citoyens, qui se sentent souvent trahis par un système politique qui semble plus préoccupé par la gestion des rapports de force que par la réalisation de réformes structurelles.

Les compromis incessants en politique sénégalaise, tout en permettant la stabilité gouvernementale, ont des effets délétères sur la relation entre le gouvernement et la société. En s’engageant dans des alliances de plus en plus opportunistes, les politiciens sénégalais risquent de se déconnecter des réalités quotidiennes des populations. Lorsque les gouvernements multiplient les concessions pour assurer leur survie politique, ils perdent souvent de vue les besoins les plus urgents des citoyens, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’emploi.

Cette déconnexion devient particulièrement visible lorsque les décisions politiques sont perçues comme étant prises en fonction des intérêts de groupes spécifiques, et non dans une perspective de justice sociale pour l’ensemble de la population. Les promesses non tenues alimentent un sentiment de frustration et de méfiance à l’égard des institutions politiques, ce qui fragilise la légitimité du gouvernement.

Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ibrahima Niang
Mis en ligne : 11/01/202
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