Malgré les mises en garde de l’Union africaine réunie en sommet à Addis-Abeba, les rebelles du M23, appuyés par des soldats rwandais, ont poursuivi leur avancée fulgurante en République démocratique du Congo (RDC). Après la prise de l’aéroport de Bukavu, capitale du Sud-Kivu, ils ont pénétré la ville sans résistance majeure, face à une armée congolaise en pleine déroute.
L’image est saisissante. À l’inverse de leur offensive sur Goma en janvier, les insurgés ont cette fois conquis Bukavu sans véritable combat. Selon plusieurs témoignages recueillis par Le Monde Afrique, les forces armées de la RDC avaient déjà déserté les lieux, se repliant vers Uvira, plus au sud. Une retraite qui interroge sur la capacité de l’armée congolaise à résister aux assauts du M23.
Le site spécialisé Afrikarabia s’étonne de la rapidité de cette débandade. « La prise de Goma n’a pas provoqué de sursaut au sein de l’armée régulière, malgré les promesses d’une riposte vigoureuse du président Félix Tshisekedi. Après Bukavu, une question se pose : qui soutient encore le chef de l’État congolais ? » s’interroge le média, pointant du doigt l’inaction des partenaires africains et internationaux face à la crise.
Pendant ce temps, l’Union africaine se réunissait à Addis-Abeba pour désigner le successeur de Moussa Faki Mahamat à la tête de sa Commission. C’est le Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf qui a été élu, mais son mandat s’annonce d’emblée périlleux, notamment face à l’explosif dossier congolais.
Dans un éditorial sans concession, le journal burkinabé Aujourd’hui à Ouagadougou souligne l’embarras de l’UA. « Comment Mahamoud Ali Youssouf pourrait-il s’opposer au Rwanda si ses propres pairs n’osent pas le faire ? » questionne-t-il, rappelant que les réformes ayant permis son élection ont été impulsées par Paul Kagame lui-même. Une influence rwandaise qui, selon le journal, expliquerait en partie la passivité de l’organisation continentale.
L’inaction de l’UA s’ajoute à l’incapacité des instances sous-régionales à enrayer la crise. L’Observateur Paalga s’inquiète de l’absence de dialogue entre Kinshasa et Kigali. « Qui pourra réunir autour d’une même table Félix Tshisekedi et Paul Kagame, dont les échanges ne se résument plus qu’à des diatribes acerbes ? »
Même Moussa Faki Mahamat, président sortant de la Commission de l’UA, a reconnu cette impuissance lors de son dernier discours au sommet. Comme le rapporte Le Point Afrique, il a vivement critiqué le Conseil de paix et de sécurité de l’UA, censé faire taire les armes sur le continent. « Il est regrettable que ses décisions restent souvent lettre morte », a-t-il déploré, rappelant que 93 % des résolutions prises par l’organisation ne sont jamais appliquées.
Si le nouveau président de la Commission affiche sa volonté d’accélérer les réformes et d’œuvrer pour la paix, la tâche s’annonce colossale. Face à la montée des conflits armés, au manque de coordination entre États et à l’hésitation de la communauté internationale à sanctionner les acteurs impliqués, l’UA risque une nouvelle fois de se retrouver spectatrice d’une crise qui ne cesse de s’aggraver dans la région des Grands Lacs.
Article écrit par : Jean Lazare Ndiaye.
Mis en ligne : 17/02/2025
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