« La Russie joue la montre, gênée aux entournures, constate Libération à Paris. La proposition de trêve américano-ukrainienne lancée avant-hier à Djeddah comporte en effet des risques majeurs pour le Kremlin : un gel du conflit sur les lignes actuelles sans qu’aucun de ses objectifs soit achevé, l’impossibilité de s’emparer de trois centres régionaux des territoires officiellement annexés, Zaporijia, Kherson et Kramatorsk, et un exécutif à Kiev reboosté et renforcé. »
Bref, résume Libération, « le résultat de Djeddah, c’est avant tout un succès diplomatique pour l’Ukraine et un dilemme difficile pour Poutine. »
Campé sur ses positions ?
La Russie n’a donc toujours pas répondu à la proposition de trêve. Pourquoi ? Réponse du Guardian à Londres : « la réalité est que malgré les lourdes pertes, les dommages causés à son économie et son isolement diplomatique, la Russie croit qu’elle est en train de gagner la guerre. Et elle considère qu’un cessez-le-feu sera bénéfique pour l’Ukraine (uniquement…). (…) Les exigences à long terme de Poutine n’ont pas changé, relève encore le quotidien britannique : la démilitarisation de l’Ukraine, l’engagement de l’Ukraine à ne pas adhérer à l’OTAN à l’avenir et la conservation des territoires annexés, notamment la péninsule de Crimée. »
Un « oui mais » ?
Résultat : « Poutine essaie de gagner du temps », pointe Le Soir à Bruxelles. « Le Kremlin dose ses effets et ses déclarations et n’a jamais officiellement indiqué quelles concessions il pourrait bien faire en échange d’une cessation des combats. À cette proposition d’arrêt de 30 jours, il pourrait surtout répondre par un “oui, mais“. Demander, par exemple, comme garanties que l’armée ukrainienne recule de la ligne de front d’une poignée de kilomètres, ou bien, hypothèse qui circulait beaucoup à Moscou hier, l’arrêt de tout soutien militaire occidental à Kiev pendant cette période. »
« On s’est fait encore enfler ! »
Justement, à Moscou, rapporte Le Temps à Genève, « la communauté des ultra-patriotes et partisans de l’invasion de l’Ukraine – ceux qu’on appelle les “Z-patriotes“ crient leur indignation sur les réseaux sociaux. “On s’est fait encore enfler !“, peste l’un d’entre eux qui estime avec ses pairs que cette “initiative de paix“ n’est rien d’autre qu’une manœuvre de l’adversaire destinée à gagner un répit précieux pour fourbir de nouveau ses armes et regrouper ses forces. Certains ont qualifié de “trahison“ la volte-face de la nouvelle administration américaine ; d’autres ont même critiqué la “naïveté“ de ceux qui ont cru en sa bienveillance à l’égard de Moscou. Tous ont appelé le Kremlin à ignorer la proposition formulée mardi à Djeddah. (…) »
Dans les médias officiels russes, le ton est sensiblement différent, relève encore Le Temps. La plupart essaient de faire contre mauvaise fortune bon cœur, en soulignant que rien n’a encore été joué et que ce sont les Ukrainiens qui ont plié le genou devant Washington. » Mais « tous savent pertinemment que la proposition qui est aujourd’hui sur la table est l’exact contraire de ce que Vladimir Poutine n’a de cesse de répéter, à savoir que la Russie n’est pas intéressée par une trêve mais par une capitulation de l’Ukraine (…). »
Un ballet diplomatique « presque irréel… »
Enfin, Le Figaro à Paris résume la situation : « Poutine doit trancher un dilemme : camper sur ses exigences de toujours – la conservation des territoires annexés, la démilitarisation de l’Ukraine, le recul de l’OTAN… –, au risque d’assumer le mauvais rôle et de se priver de la bienveillance de Trump ; ou bien céder au jeu des apparences en misant sur la négociation de fond qui devra s’ouvrir durant la trêve. (…) Dans ce ballet diplomatique presque irréel, les alliances s’annoncent éphémères et fluctuantes, pointe Le Figaro. Trump peut changer de partenaire de tango à tout instant… Les Européens, eux, font tapisserie, “planifiant“ le moment où on les invitera à nettoyer la salle. »
Article écrit par : Jean Lazare Ndiaye.
Mis en ligne : 13/03/2025
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