Le ciel s’assombrit à nouveau pour Boeing. Le géant américain de l’aéronautique, déjà fragilisé par une série de crises internes et de revers industriels, devient aujourd’hui une victime collatérale du guerre commerciale sino-américain
En réaction à l’instauration de nouveaux droits de douane américains, les autorités chinoises ont ordonné la suspension immédiate des livraisons d’avions Boeing à leurs compagnies nationales, tout en gelant les achats de pièces détachées fabriquées aux États-Unis.
Cette décision, aux allures de sanction ciblée, frappe là où ça fait mal. Boeing, premier exportateur américain, perd temporairement l’accès à son plus grand marché à l’international : la Chine. Selon les premières estimations, cette suspension pourrait entraîner une perte sèche de 2,5 milliards de dollars pour le constructeur, déjà sous pression après les graves incidents techniques qui ont émaillé les dernières années, et alors qu’il tente désespérément de restaurer sa réputation.
L’ordre venu de Pékin ne laisse aucune place à l’interprétation. Il vise directement l’administration américaine et plus précisément Donald Trump, instigateur d’une nouvelle salve de sanctions douanières contre les produits chinois. La semaine dernière, l’ancien président a annoncé une hausse spectaculaire des droits de douane, portant ceux-ci à 145 % sur certaines importations venues de Chine. En réponse, Pékin a imposé des droits de 125 % sur de nombreux produits américains, y compris les composants aéronautiques.
Dans ce climat d’escalade, Air China, China Eastern et China Southern, les trois grandes compagnies nationales, ont reçu l’instruction de geler 179 commandes prévues entre 2025 et 2027. Certaines livraisons déjà finalisées pourraient être examinées au cas par cas, mais le gel général reste en vigueur jusqu’à nouvel ordre, rapporte notre correspondante à Pékin, Cléa Broadhurst.
Privée de Boeing, la Chine n’entend pas pour autant rester clouée au sol. Pékin pourrait accélérer son partenariat avec Airbus, dont l’usine d’assemblage à Tianjin facilite les livraisons locales. Le constructeur européen se positionne donc comme le grand gagnant de ce réajustement stratégique.
Autre piste : le développement du Comac C919, fleuron national de l’aviation civile chinoise. Si cet avion moyen-courrier n’est pas encore totalement autonome – il dépend encore largement de pièces américaines –, Pékin semble déterminé à en faire un symbole d’indépendance technologique. D’autres options, plus lointaines, incluent des partenariats avec des constructeurs émergents, notamment en Russie.
Ce nouvel épisode de guerre commerciale sino-américain rebat les cartes du secteur aéronautique mondial. À Wall Street, l’annonce a eu un effet immédiat : l’action Boeing a chuté de 3 % ce mardi. La Maison Blanche, quant à elle, reste sur la réserve, appelant Pékin à revenir à la table des négociations, sans toutefois faire le moindre pas vers une désescalade.
Un duel entre géants s’installe durablement, et Boeing, en embuscade entre diplomatie et économie, doit désormais naviguer à vue.
Article écrit par : Amadou Diop
Mis en ligne : 16/04/2025
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