Le mbalax, pilier de l’identité musicale sénégalaise, traverse une zone de turbulence artistique. Jadis omniprésent, symbole de la modernité locale mêlée aux racines traditionnelles, il semble aujourd’hui relégué à un second plan, bousculé par une vague irrésistible : celle de l’afrobeat.
À chaque coin de rue, dans les boîtes de nuit, sur les plateformes de streaming, Burna Boy, Rema ou Ayra Starr relèguent peu à peu les sonorités sabar aux archives. Une simple évolution des goûts ? Pas si vite.
Le mbalax n’a jamais été une musique figée. Né de la fusion entre percussions traditionnelles et influences jazz, soul et pop, il a accompagné des générations entières dans leur quotidien, leur spiritualité, leurs engagements. Il a porté les voix de la contestation, de la diaspora, de la fierté culturelle. Et pourtant, aujourd’hui, une part croissante de la jeunesse lui tourne le dos, le jugeant “vieillot”, « inexportable », voire “bruyant”. Une fracture générationnelle s’est installée.
En face, l’afrobeat a su séduire grâce à son esthétique plus épurée, ses basses rondes, ses rythmes dansants et sa capacité à dialoguer sans friction avec le hip-hop, le R&B, la pop mondiale. Il propose un imaginaire neuf, panafricain, connecté à la scène mondiale sans se justifier, sans excuser son africanité. Là où le mbalax réclame une oreille “initiée”, l’afrobeat, lui, s’exporte avec une aisance commerciale qui fait rêver.
Mais faut-il pour autant parler d’effacement ? Ce serait ignorer les signes de résistance, d’adaptation, de mutation. Des artistes comme Wally Seck, Sidy Diop, ou Aida Samb tentent une hybridation. Ils infusent le mbalax d’éléments afrobeat, trap ou dancehall sans renier son essence. Le résultat est inégal, parfois bancal, mais il témoigne d’une volonté de survivre, de se renouveler. D’autres, plus radicaux, abandonnent tout simplement le style, poussés par une industrie qui privilégie le “bankable” à l’authentique.
Il faut aussi poser une question dérangeante : et si l’État, les médias locaux, les institutions culturelles contribuaient à cet effacement en ne soutenant pas activement l’évolution du mbalax ? À force de le muséifier, de le figer dans une nostalgie “Youssou N’Dourienne”, on en fait une pièce de patrimoine plus qu’un outil de création vivante. Le mbalax ne mourra pas de désamour populaire, mais d’étouffement institutionnel.
Le mbalax n’est pas mort. Il est en crise, en transition, en recherche. Il doit peut-être cesser de courir après une jeunesse mondialisée pour retrouver ses propres ressorts, son langage, sa vérité. Face à l’afrobeat, ce n’est pas un combat, mais un dialogue possible à condition de ne pas perdre sa voix dans le bruit global. La musique est vivante. À nous de décider si nous voulons qu’elle évolue ou qu’elle s’efface.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Ousmane Diallo.
Mis en ligne : 19/04/2025
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