Parmi les merveilles naturelles que compte le Sénégal, le Parc national du delta du Saloum est sans doute l’un des plus fascinants. Classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 2011, il incarne un équilibre rare entre les paysages de mangroves, les îles ensablées et une faune exceptionnelle.
Pourtant, ce joyau de biodiversité est en train de glisser, lentement mais sûrement, vers une forme de négligence institutionnelle qui ne dit pas son nom.
Le Saloum n’est pas simplement un sanctuaire écologique ; c’est aussi un territoire de mémoire vivante, où les peuples sérères et mandingues ont su développer des modes de vie en parfaite adéquation avec leur environnement. Pêche traditionnelle, collecte de coquillages, rituels ancestraux : la relation entre l’homme et la nature y est d’une rare intensité. Mais cette harmonie est de plus en plus perturbée par une modernité souvent brutale, portée par des projets touristiques mal encadrés et des décisions administratives prises sans concertation locale.
Le développement touristique, censé être un levier économique pour la région, est devenu un facteur de déstabilisation. Des hôtels se construisent sans études d’impact sérieuses, les circuits de pirogues se multiplient, et les déchets plastiques s’accumulent dans les criques. Le tout sous l’œil passif des autorités, davantage préoccupées par les bénéfices immédiats que par la préservation durable du patrimoine naturel.
À cela s’ajoute l’impact du changement climatique, que l’on ne peut plus ignorer : les mangroves reculent, les poissons se raréfient, et les sols s’acidifient. Les communautés locales, premières victimes de ces transformations, se retrouvent désarmées, sans soutien technique ni accompagnement politique. La lenteur des actions gouvernementales contraste violemment avec l’urgence écologique.
Il faut aussi parler de l’absence criante de moyens. Le personnel affecté au parc est insuffisant, mal payé, souvent mal formé. Les gardes forestiers, qui devraient jouer un rôle central dans la surveillance du territoire, se contentent parfois de missions symboliques, faute d’équipement et de reconnaissance. Et que dire des chercheurs, souvent contraints de travailler sans appui local, ou d’abandonner leurs études faute de logistique ?
Alors oui, il est grand temps de poser un regard politique sur le delta du Saloum. Pas un regard touristique, pas un regard folklorique. Un regard lucide, critique, et surtout engagé. Il ne suffit plus de vanter les mérites d’un écosystème en conférence ou d’ériger des plaques UNESCO pour se donner bonne conscience. Il faut agir : instaurer un vrai dialogue avec les populations, contrôler les flux touristiques, financer la recherche, réformer la gouvernance environnementale.
Le delta du Saloum n’a pas besoin de discours ; il a besoin de respect. Respect pour sa biodiversité, pour ses habitants, pour son histoire. Et ce respect, aujourd’hui, fait cruellement défaut.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Papa Samb.
Mis en ligne : 25/04/2025
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