Dix mois d’attente. Dix mois d’angoisse. Dix mois d’une détention sans fin pour le chanteur El Hadji Soriba Kouyaté, enfermé dans la maison d’arrêt de Rebeuss depuis juillet 2024. Accusé d’un cambriolage estimé à 550 millions de francs CFA, l’artiste reste privé non seulement de liberté, mais surtout de justice. Pas de procès, pas de confrontation, et un avocat principal… introuvable.
Derrière les barreaux, c’est un drame humain et judiciaire qui se joue, révélé avec force par les colonnes de L’Observateur.
Tout commence à l’aéroport international Blaise Diagne. Le chanteur Soriba Kouyaté s’apprête à embarquer pour Paris lorsque les forces de l’ordre lui passent les menottes. Depuis, il croupit en prison, bien que le juge d’instruction lui ait accordé une liberté provisoire, immédiatement contestée – et bloquée – par le procureur. Sans justification officielle. « Mon fils ne demande qu’une chose : être jugé », martèle son père, Moussa Kouyaté, la voix écorchée par dix mois de silence judiciaire.
Dans son édition du 18 mai 2025, L’Observateur revient sur les contours d’une affaire de plus en plus trouble. Tout aurait commencé par une plainte de Saye Diokhané, victime de plusieurs cambriolages entre 2022 et 2024 dans les quartiers cossus de Mermoz et de la Sicap Foire. Une vidéo de surveillance montrant une Cadillac CTS bleue, véhicule attribué à Soriba Kouyaté, aurait scellé son sort. Le 9 mai 2024, cette voiture aurait été utilisée lors du vol présumé. Le chanteur, lui, nie catégoriquement, accusant son propre frère d’avoir emprunté la voiture. Ce dernier aurait d’ailleurs reconnu les faits.
Mais au-delà des zones d’ombre, c’est le montant évoqué qui frappe les esprits : 550 millions de francs CFA dérobés. Une somme vertigineuse, inédite dans ce type d’affaire à Dakar, et qui alourdit considérablement le dossier. Pourtant, selon la défense, les preuves manquent cruellement de solidité. « Le dossier est vide », tranche Me Amadou Aly Kâne, un des avocats de l’artiste. Pour lui, c’est la notoriété du chanteur, ancien repris de justice en pleine rédemption artistique, qui pèse dans la balance.
Autre élément troublant révélé par L’Obs : le témoignage d’un enfant de 9 ans, petit-fils de la plaignante, qui aurait reconnu Soriba par appel vidéo depuis l’Italie. Une identification jugée fragile, mais considérée suffisante pour prolonger sa détention.
La célébrité Soriba Kouyaté, qui l’avait ramené sur le devant de la scène après une vie marquée par les erreurs du passé, semble aujourd’hui se retourner contre lui. Festivals européens annulés, carrière interrompue, famille brisée. « C’est comme si tout cela n’avait jamais existé », souffle Moussa Kouyaté. Dans la cellule de Rebeuss, son fils répète inlassablement son innocence : « Je ne suis mêlé ni de près ni de loin à ce cambriolage ».
Mais le plus glaçant reste sans doute l’état d’abandon dans lequel il se trouve. Jamais confronté à la plaignante, jamais entendu en présence de toute sa défense. Et surtout, un avocat principal payé grassement… mais porté disparu. L’Observateur parle d’un « avocat fantôme » dont l’absence paralyse encore un peu plus la procédure.
À cette injustice s’ajoute la souffrance physique. Soriba a vomi du sang, a connu des saignements de nez. En novembre dernier, son épouse, Ndella Sow, avait alerté les autorités dans les colonnes de L’Observateur, implorant une prise en charge médicale. Si celle-ci a finalement eu lieu, l’épisode a révélé l’état d’extrême vulnérabilité du chanteur, entre désespoir moral et délabrement physique.
Et le drame ne s’arrête pas à la prison. Trois proches du chanteur ont disparu depuis son incarcération. Ses enfants, eux, ont été exclus de leurs établissements scolaires. Une famille disloquée, une vie suspendue. « Cette affaire dépasse le cadre d’un simple litige pénal », note L’Obs, « elle touche à l’équilibre d’un foyer et, plus largement, à celui de notre justice ».
Désormais, Moussa Kouyaté lance un appel solennel aux autorités. « J’interpelle le président Bassirou Diomaye Faye, le Premier ministre Ousmane Sonko, le ministre de la Justice. Si mon fils est coupable, qu’il soit jugé. Sinon, qu’on le libère. » Un cri de père, mais aussi un plaidoyer pour une justice plus humaine, plus rapide, plus juste.
En attendant, Soriba Kouyaté demeure enfermé, dans un silence judiciaire qui commence à ressembler à une condamnation sans verdict.
En attendant, dans sa cellule de Rebeuss, Soriba Kouyaté continue d’espérer. Pas une ovation, mais une audience. Une chance de se défendre. Dix mois, c’est long. Surtout quand on est présumé innocent. Derrière les murs, sa voix s’élève encore, portée par l’amour d’un père et l’inquiétude d’un peuple. Comme l’écrit si justement L’Observateur : « Soriba n’a plus de micro, mais son silence résonne plus fort que jamais. »
Article écrit par : Sophie Diop
Mis en ligne : 21/05/2025
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