La récente décision de l’État sénégalais de suspendre temporairement la commercialisation des oignons et pommes de terre issus de certaines grandes entreprises agroindustrielles semble, à première vue, salutaire. Mais derrière cette mesure conjoncturelle se cache une vérité bien plus amère : notre système agricole est fondamentalement déséquilibré, conçu pour enrichir quelques géants de l’agrobusiness pendant que les petits producteurs crèvent la bouche ouverte.
Ce n’est pas un acte de bravoure gouvernementale, c’est une tentative tardive de panser les plaies d’un modèle défaillant.
Depuis des années, les petits agriculteurs sénégalais sont laissés à eux-mêmes, sans infrastructures de stockage, sans mécanismes de régulation efficaces, et sans filet de sécurité. Aujourd’hui, on découvre subitement qu’ils croulent sous les stocks invendus. Où était L’État quand les prix s’effondraient ? Où était la soi-disant régulation quand les intermédiaires dictaient leurs lois ? Cette soudaine prise de conscience de l’ARM n’a rien de stratégique ; c’est une réaction à une crise évitable, née de l’injustice structurelle.
Suspendre les activités de Swami Agri, SCL ou Africa Farmer Food pendant trois semaines n’est pas une victoire. C’est une rustine sur une fracture ouverte. Le problème n’est pas la surproduction, mais la place qu’on a volontairement cédée à ces firmes dans un secteur qui aurait dû être bâti autour de la souveraineté alimentaire et du soutien aux producteurs familiaux. Pendant que les multinationales accaparent les terres et les marchés, les paysans locaux survivent dans la précarité. Voilà la vérité que personne ne veut regarder en face.
Cette mesure ne doit pas faire illusion : ce n’est pas un tournant, c’est une manœuvre d’urgence. Ce qu’il faut, c’est une réorganisation complète des circuits de production, de stockage et de distribution. Ce qu’il faut, c’est rompre avec la logique néolibérale qui transforme nos ressources agricoles en profits pour quelques-uns, au détriment de l’intérêt général. Le désengorgement du marché ne suffira pas : c’est tout un système qu’il faut assainir.
L’État doit choisir leur camp. Soit elles se mettent définitivement du côté de ceux qui nourrissent ce pays sans jamais en récolter les fruits, soit elles continuent à dérouler le tapis rouge aux prédateurs de l’agro-industrie. Le peuple paysan ne peut plus attendre des demi-mesures. Il exige des réponses structurelles, durables, et une volonté politique forte pour que plus jamais le prix du kilo d’oignon ne vaille plus que la dignité de ceux qui l’ont cultivé.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Salif Bodian.
Mis en ligne : 26/05/2025
—
La plateforme NOTRECONTINENT.COM permet à tous de diffuser gratuitement et librement les informations et opinions provenant des citoyens. Les particuliers, associations, ONG ou professionnels peuvent créer un compte et publier leurs articles Cliquez-ici.