Parler de puissances économiques africaines en évoquant le Nigeria, l’Afrique du Sud et le Kenya, c’est comme parler de géants aux pieds d’argile. Ces pays impressionnent sur le papier, dans les classements du FMI ou les prévisions de la Banque mondiale. Pourtant, lorsqu’on regarde de plus près, l’illusion se fissure.
Le Nigeria est la première économie d’Afrique en termes de PIB, grâce à son pétrole et sa démographie. Mais cette façade masque un chaos profond. Le pays reste dramatiquement dépendant de l’or noir, et son économie s’effondre dès que le cours chute.
L’insécurité, les conflits ethniques, la corruption à grande échelle et l’effondrement des services publics empêchent toute transformation structurelle durable. À quoi bon parler de puissance quand l’État n’existe plus dans certaines zones, si l’électricité manque dans les villes, et si l’école est un luxe pour une grande partie de la jeunesse ?
L’Afrique du Sud, longtemps modèle économique du continent, donne aujourd’hui l’image d’un pays en déclin. L’héritage de l’apartheid n’a jamais été réellement dépassé. Le chômage de masse touche plus d’un tiers de la population. Les coupures d’électricité quotidiennes, les tensions raciales toujours vives, et les scandales politico-financiers ont érodé la confiance des citoyens et des investisseurs. L’économie sud-africaine n’est plus un moteur : c’est un poids, en panne d’idées et minée par l’immobilisme. Si l’Afrique du Sud se voulait un modèle parmi les puissances économiques africaines, elle est désormais un avertissement.
Le Kenya, quant à lui, se présente comme la vitrine de la nouvelle Afrique digitale. Son secteur technologique, porté par des solutions comme M-Pesa, impressionne. Mais ce miracle numérique cache des failles criantes : une dette publique vertigineuse, une pauvreté rurale tenace, et une économie informelle sur laquelle repose l’essentiel de la survie quotidienne. Le Kenya innove, oui, mais peut-on parler de puissance quand les hôpitaux sont sous-équipés et que le coût de la vie étrangle les classes moyennes émergentes ? Le pays illustre bien la fragilité des puissances économiques africaines face à des inégalités croissantes.
Au fond, ces trois pays illustrent une contradiction typiquement africaine : ils concentrent richesse et énergie, mais leur développement est mal réparti, fragile et souvent injuste. Être une puissance économique ne se résume pas à afficher des taux de croissance, à accueillir des sommets internationaux ou à séduire des investisseurs. Cela signifie bâtir un État solide, garantir des droits, assurer la justice sociale, investir dans l’éducation, la santé, et l’innovation réelle.
L’Afrique n’a pas besoin de géants en carton doré. Elle a besoin de pays solides, cohérents, capables de transformer le potentiel en progrès pour tous. Le Nigeria, l’Afrique du Sud et le Kenya ont ce potentiel. Mais tant qu’ils ne s’attaquent pas de front à leurs failles structurelles, ils resteront des puissances économiques africaines inachevées.
Puissance ne suffit pas. Il faut puissance équitable, durable, inclusive. L’avenir du continent se jouera moins sur les courbes du PIB que sur la capacité de ses dirigeants à mettre l’humain au centre de leurs choix économiques. Un continent ne se construit pas sur des chiffres. Il se construit sur des citoyens debout.
Article opinion écrit par la créatrice de contenu : Bamby Guirassi.
Mis en ligne : 26/05/2025
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