Depuis plus d’une décennie, la crise sécuritaire au Sahel s’enlise dans une guerre sans fin. Des groupes armés jihadistes sévissent du Mali au Niger, jusqu’au Burkina Faso, imposant leur loi dans des territoires abandonnés par l’État. En réponse, les gouvernements successifs, appuyés par des puissances étrangères, ont opté pour une stratégie essentiellement militaire.
Mais aujourd’hui, face à l’échec criant de cette approche, il faut le dire clairement : la réponse sécuritaire est un leurre. Non seulement elle échoue à éradiquer la menace, mais elle aggrave la crise en alimentant les causes mêmes du conflit.
Les faits parlent d’eux-mêmes. Malgré l’intervention française, la présence des forces du G5 Sahel, des opérations onusiennes et maintenant la coopération avec de nouveaux partenaires comme la Russie, la crise sécuritaire au Sahel ne cesse de se détériorer. Le Mali, censé être le laboratoire de la lutte antiterroriste, ne contrôle plus que des portions réduites de son propre territoire. Les attaques contre les civils, les militaires et les symboles de l’État sont devenues quasi-quotidiennes. Les groupes armés prospèrent là où l’armée échoue, parce qu’ils remplissent un vide.
Ce vide, c’est celui d’un État absent ou brutal. Car au lieu de regagner la confiance des populations rurales, la militarisation a souvent eu l’effet inverse. Des unités mal formées, parfois incontrôlées, multiplient les abus contre des civils soupçonnés souvent sans preuve de complicité avec les jihadistes. Ces bavures, loin d’affaiblir les groupes armés, les renforcent. Les populations, prises entre deux feux, se tournent vers ceux qui, au moins, offrent une forme de protection ou de justice, fût-elle violente et arbitraire.
Mais l’aveuglement sécuritaire ne s’arrête pas là. En focalisant l’essentiel des ressources sur la guerre, les gouvernements sahéliens laissent de côté l’essentiel : les racines profondes de la crise sécuritaire au Sahel. L’extrême pauvreté, le chômage massif des jeunes, les conflits fonciers, l’absence d’école, d’eau, de routes. Le sentiment d’abandon nourrit la colère, et cette colère, les groupes extrémistes la recyclent en idéologie. Les bombes n’éteindront jamais une crise sociale. Pire, elles la nourrissent.
Certains rétorquent que dialoguer avec les terroristes est impensable. Pourtant, l’histoire contemporaine regorge d’exemples où la paix a nécessité de parler, même aux pires ennemis. Ignorer cette réalité, c’est choisir l’enlisement. C’est maintenir des millions de personnes dans l’insécurité permanente au nom d’une stratégie qui a déjà échoué.
Il est temps de regarder en face l’évidence : on ne construit pas la paix sur un champ de ruines. Le Sahel n’a pas besoin de plus de soldats, il a besoin de justice, de services publics, de routes, d’écoles, de médecins, d’espoir. Il a besoin d’États présents, capables, et surtout légitimes. Tant que ces priorités resteront secondaires, tant que la réponse se résumera à une guerre contre une idéologie qu’on ne combat ni avec des kalachnikovs ni avec des drones, les groupes terroristes continueront d’avoir un terreau fertile. Et la crise sécuritaire au Sahel continuera de brûler.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Wally Mbergane.
Mis en ligne : 29/05/2025
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