Chaque année, à la veille de la fête de la Tabaski, les rues sénégalaises se parent de détritus, de peaux de moutons, de carcasses et d’eaux usées. Cette année n’a pas échappé à la règle. Et comme à l’accoutumée, l’État sénégalais a brandi une réponse musclée et coûteuse : plus de 5.500 agents mobilisés à travers le pays, des dizaines de camions et engins lourds en action pendant plusieurs jours.
Le ministre de l’Urbanisme, Bala Moussa Fofana, a salué cette “synergie” entre la SONAGED et la Direction du cadre de vie. Mais derrière cette façade de bonne volonté, c’est un gaspillage éhonté des ressources publiques que nous dénonçons ici.
Mobiliser plus de 5.500 agents sur une opération de nettoyage liée à une seule journée, c’est ignorer la dimension structurelle du problème de gestion des déchets au Sénégal. On ne règle pas un dysfonctionnement systémique par des mesures ponctuelles. Il est temps d’arrêter de soigner les symptômes au lieu de s’attaquer à la racine du mal. Combien a coûté cette mobilisation ? Combien de carburant consommé ? De salaires versés ? D’heures de travail perdues pour des résultats éphémères ?
Pendant ce temps, des milliers de quartiers restent sans poubelles ni systèmes de collecte durable. Dans les zones périurbaines et rurales, les populations s’enfoncent chaque jour un peu plus dans l’insalubrité et l’abandon. Les priorités doivent changer.
Le plus révoltant dans cette affaire, c’est que l’État trouve soudainement les moyens pour une opération “coup d’éclat” de quelques jours, alors que des projets de long terme peinent à voir le jour : traitement des eaux usées, éducation environnementale dans les écoles, formation des jeunes aux métiers du recyclage, modernisation des décharges publiques, etc. Ces ressources humaines et logistiques auraient pu être utilisées pour créer un véritable système d’économie circulaire, créer des emplois durables, et instaurer des pratiques responsables chez les citoyens.
Prenons exemple sur le Rwanda, où la politique de propreté repose sur une stratégie intégrée et participative, avec des amendes en cas d’infraction, une implication forte des collectivités, et une valorisation des déchets. L’Afrique du Sud investit dans le tri sélectif et les éco-entreprises. Chez nous, on préfère la débauche de moyens, sans réelle vision.
La présence du ministre sur le terrain, caméra à l’épaule, relève davantage de la mise en scène politique que d’un engagement sincère. Le peuple sénégalais est fatigué des opérations de façade. Le vrai courage politique serait d’assumer que notre modèle de gestion urbaine est défaillant et de le refonder sur des bases durables.
Le Sénégal mérite mieux qu’un grand ménage de Tabaski. Il mérite une politique environnementale cohérente, inclusive, et surtout, pérenne.
Assez de poudre aux yeux ! Mobilisons nos ressources pour des changements durables, et non pour des shows annuels sans lendemain.
Citoyennes, citoyens : exigeons des comptes, réclamons des choix budgétaires responsables. Le développement ne passe pas par les balais du ministre, mais par une refondation profonde de nos politiques publiques.
Article opinion écrit par le créateur de contenu : Moussa Faye.
Mis en ligne : 09/06/2025
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